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298 DES V E R B E S Et maintenant une petite glose en retour sur notre première règle relative aux verbes en ayî : On n'est pas sans avoir remarqué que dans les types latins en icare (aptift'care, etc.), la voyelle i, précédant le c, a été trans- formée en a par le lyonnais (attofayi, etc.). L'explication de ce phénomène singulier est très simple. Si le lyonnais avait conservé Vi du latin après le changement d e c a r e e n yi on aurait eu cette peu agréable triphtongue iyî : sXtoîiyî, ap- ipliyî etc. En philologie c'est comme en musique; l'hiatus a besoin d'y être préparé, tout comme certaines discordances musicales ne se peuvent tolérer qu'à la condition d'être préparées par certains accords préalables. Le lyonnais a généralement employé a pour la préparation de cet hiatus. Cependant il a employé o dans bloyi, tiller le chanvre (goth. brikan). Dans les verbes en ecare (secare, etc.),l'hiatus était tout préparé par e qui a été conservé dans le lyonnais (seyi, neyi, etc.). Dans payî, payer, de pagare, la chose a été tout de go, puisque Va, qui précède \eg devenu y, appartenait déjà au type latin. Dans joyî, jouer, dejocare; loyi, louer, de locare, le lyonnais n'a eu aussi qu'à conserver tranquillement Vo du latin. Ligare, lier, doit donner layî en patois, ce qu'il a fait à peu près honnêtement dans la forme leyî ; mais à côté subsiste une forme incorrecte, liô, qui n'est autre que le français lier, patoisé par le paysan croyant ainsi parler avec plus d'élégance. De même l'un d'eux haussait les épaules devant moi en entendant dïcej'ons êtô. « On ne dit pas j ' o n s ètô, qu'il reprit sévèrement, on ditj'ons été! » Leyî et liô subsistent concurremment jusque dans la même com- mune, comme à Mornant, par exemple. Mais leyî n'est plus dit que par les anciens, tandis que lia prend le dessus, comme tous les mots importés du français.