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280                  LA REVUE LYONNAISE
ment, que le docteur Garcia, —il avait soutenu ses thèses à une
date qui n'est pas antérieure à 1621, — conserva l'incognito pen-
dant une partie de son séjour à la cour, que son renom y était tel
qu'il se lia avec tous les poètes du temps.
   Un jour qu'il se promenait dans la campagne de Madrid, disent
ses premiers biographes, les trois recteurs, il aperçut un prêtre
de haute stature, au visage ouvert, qui considérait attentivement
un enfant, endormi sur une pierre au bord de la route ; sans
doute, quelqu'un de ces Manchegos ou de ces Andalous qui ve-
naient prendre du service à la cour et gravir lentement les mar-
ches de l'échelle sociale, de page à écuyer. Comme Garcia s'appro-
chait d'un pas grave, l'inconnu s'écria : « Ou cet enfant est de
bronze ou la pierre est de laine ! — Quel bronze, répondit le recteur
en souriant, n'avoir pas onze ans et quelle laine ne jamais songer
au lendemain ! » Étonné de cette réponse sententieuse et spiri-
tuelle selon le goût du temps, Lope de Vega, car c'était bien là le
phénix des esprits, la merveille des génies, considéra longue-
ment cet étranger, puis l'étreignant dans ses bras, lui dit : « Tu
es Garcia, tu nepeux le dissimuler. » Ainsi liés par le hasard, Lope
de Vega et Garcia devinrent deux amis intimes, au dire de la tra-
dition que ne confirme malheureusement aucune preuve littéraire,
pas même une mention dans ce Laurier d'Apollon où Lope donne
un souvenir à tous ses amis. Il est vrai qu'en 1630, date de la pu-
blication, Garcia était mort et bien oublié. Ici se place une série de
faits qui ne nous sont connus que par le récit des trois recteurs,
Vicens Garcia, disent-ils, comme il revenait chargé d'honneurs,
dans sa cure, fut empoisonné avec son domestique. Des remèdes
énergiques l'auraient en tout cas sauvé, car ses oeuvres dernières,
dictées peu d'heures avant son dernier soupir, ne contiennent au-
cune allusion à une tentative criminelle de ce genre. Cependant,
nous ne croyons pas devoir écarter entièrement cette tradition ; il
convient d'imiter la réserve de MM. Rubio y Ors et Aragon, puis-
que le poète rend quelque part grâce à Dieu de ne l'avoir point fait
périr subitement ou de mort violente.
   De retour à Vallfogona, le recteur reprit sa tâche de curé, jus-
qu'à ce que, vers le 15 juin 1623, sa santé altérée le contraignît à
remettre le soin spirituel de son église au prêtre Pau Marti, et Ã