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             DE LA R E S P O N S A B I L I T E L I T T E R A I R E                       273
que j'ai nommé, en commençant cette étude et qui veut laisser au
lecteur seul la responsabilité du mal qu'il y aura mis, ce critique
n'a voulu que jouer au paradoxe, ou bien ne considérer la lecture
d'un livre que comme un accident contre lequel le lecteur va se
heurter, ainsi que le passant contre la pierre du chemin, et dont la
distraction, la maladresse ou l'erreur de sa volonté a déterminé la
la chute.
    Enfin, que l'homme de lettres prenne plus souci de son œuvre.
Il méconnaîtrait la dignité de sa vocation, eût-il même du génie, il
profanerait les dons qu'il a reçus de l'auteur de tout bien, s'il se
désintéressait du sort moral de son livre, s'il n'employait les
richesses de son intelligence au triomphe de la vérité, du bien et
 du beau.
    C'est encore Lacordaire qui a défini le génie par ces belles
paroles : « En littérature, le génie, c'est une supériorité d'intelli-
gence qui pénètre dans les régions du beau à des hauteurs inconnues
de la foule et qui découvre, dans les choses, des faces inexplorées
 et de nouvelles perspectives capables d'exciter l'admiration quand
 elles se révèlent. »
    Eh bien, même le littérateur de génie serait-il digne de sa qua-
 lité si son livre pouvait engendrer des victimes ?
    La sagesse et la conscience apprennent à tous ceux qui écrivent
 pour la publicité qu'il n'est pas plus permis d'abuser de l'esprit
 pour corrompre que pour opprimer.

                                                 L. DUCURTYL,
                                          Conseiller honoraire à la Cour d'appel.




     SEPTEMBRE i883. — T. VI-                                                       18