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242 LA REVUE LYONNAISE ment avantageux. La soif de considération, ce supplice de Tantale de ses pareilles, n'existait chez elle qu'à titre secondaire. Elle s'était toutefois passé la fantaisie d'enlever, au prix d'appointements de préfet, le cocher d'une ambassadrice, une célébrité du fouet, et pendant l'été, à sa villa des environs de Saint-Germain, elle s'oc- cupait de bonnes œuvres pour recevoir le salut du maire et du curé. Pas fière d'ailleurs, et faisant volontiers un bésigue avec sa femme de chambre. Le sentiment de sa honte, si jamais elle l'avait eu, s'était émoussé à mesure qu'elle devenait plus à la mode. Sa position avait fini par lui sembler toute naturelle. Après tout de quoi aurait-elle rougi? N'était-elle pas adulée de chacun ? N'avait- elle pas su se créer une situation solide, à l'abri des éventualités ? De là à rêver pour sa sœur,qu'elle aimait à sa manière, un sort analogue,il n'y avait qu'un pas. Labourette, je sus tout cela plus tard, lui parut l'homme dé- signé pour asseoir les fondements de la fortune de Laura. Zoé, avec le cynisme inconscient des filles perdues, écouta les proposi- tions du vieux drôle et les discuta. Les « intérêts » de Laura étaient en bonnes mains avec elle. La généreuse et adroite inter- vention de Lullevalmit à néant ces beaux projets. Cependant Laura avait fini par nous croire et s'était retirée dans ma chambre. Nous achevâmes la nuit, Guy et moi, dans un de ces entretiens comme en ont ceux qui s'aiment et qui vont se quitter pour longtemps. A huit heures, la jeune fille fraîche et reposée vint nous réjoindre. Guy lui donna l'adresse d'une maison meublée de la rue Saint- Honoré où des gens de sa connaissance avaient logé. — Nous allons, Mademoiselle, ajouta-t-il, sortir avec vous pour vous aider dans les quelques emplettes indispensables que vous avez à faire. Vous ne pouvez arriver à votre futur domicile avec une simple mantille sur la tête. Il faut que vous ayez l'air de débarquer du chemin de fer. Venez, en moins d'une heure vous allez être équipée comme il convient. » Effectivement Laura fut bientôt enveloppée d'un long vêtement de drap gris et coiffée d'un chapeau de paille noire garni d'un voile. Lulleval n'oublia pas de la munir d'une petite valise où il fit mettre quelques objets de toilette.