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238                    LA REVUE LYONNAISE
l'homme, moins difficile que le duc de Clarence, avait de bonne
heure disparu dans un baril de genièvre.

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   Nous écrivons maints ouvrages pour multiplier nos chances
auprès de la postérité, comme on prend plusieurs billets dans une
loterie afin d'être plus sûr de gagner. Or, bien souvent, un seul
billet rend heureux, un seul livre rend célèbre.
                                          *

    Jacques Delille, poète-professeur fort habile à traiter un sujet
 donné. Sa « poésie » n'est ni un champ, ni une prairie, ni même
un jardin, mais un cellier, un herbier, garnis de fruits desséchés,
 de fleurs mortes. Ses pleurs sont voulus, ses sourires étudiés. Il
 s'exalte à froid. Ses tirades sont des pièces très ingénieuses qui
 montrent... le ressort. Il procède par articles, comme la cuisinière
bourgeoise. Il « interprète » la nature comme il fit Virgile, avec
la tête, non avec le cœur. C'est une momie, ayant l'attitude, non
le mouvement de la vie ; c'est l'animal pris dans les glaces avec
l'effort suprême qui va commencer toujours et qui ne commencera
jamais. Praxitèle animait la pierre, Delille pétrifie la pensée, le
sentiment, l'image. C'est la fontaine de Saint -Alyre de la poésie...
Allons 1 allons! merveilleux enfileur de rimes, de l'âme! de la
vie! des cris partis du cœur, volant au cœur! André Chénier pen-
 sait à vous quand il trouva ce « vers doré »:

            L'art ne fait que des vers; le cœur seul est poète.


          (A suivre,)
                                                JOSEPH R O U X .