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PENSÉES 235 moins et ne parlèrent plus de sensibilité que ceux du dix-huitième siècle. * Depuis Voltaire nous ricanons, nous ne rions plus. Heureux Virgile! A-t-il été choyé, dorloté, caressé, admiré, gâté par messieurs les scholiastes ! Chacun a voulu sous ce nom graver son nom au burin, au couteau, n'importe comment. La plu- part des éditions virgiliennes apparaissent bigarrées de points d'exclamation, de parenthèses laudatives, de signatures tapa- geuses. On dirait une photographie du Pausilippe, avec les sentences qui encombrent les parois du nid de marbre où dort le cygne de Mantoue. Je suis, moi, de ceux qui aiment Virgile, non pour la foule qui bruU autour de son œuvre, mais pour lui, pour son âme mélo- dieuse et chaste! Gomment pénétrer, à travers tant d'obstacles, jusques à lui, l'entretenir seul à seul, cœur à cœur? Roi, éloignez votre cour ; ami, écartez ces profanes! La poésie est un tête-à -tête mystérieux. Parlez-moi, parlons-nous, et que rien ni personne ne se mette plus entre nous deux. On cite Virgile, et l'on a raison, on cite peu Homère et l'on a tort. Virgile et. Homère ont des airs de famille ; même sang coule dans les veines de l'un et de l'autre ; il est vrai ; mais Homère a engendré Virgile ! Qu'Homère, lu avant ou après Virgile, me plaît toujours avec sa faconde de grec, avec sa faconde de vieillard. Virgile est plus homme, Homère est plus poète. Homère s'empare entièrement de l'intelligence entière. Ce n'est pas le verbe d'un siècle poli, d'un siècle unique, c'est le génie des siècles anciens. Au dessus d'Ho- mère, et de ses sublimes histoires d'enfants, il n'y a que Job et Moïse, ces incomparables secrétaires du Dieu vrai. Nos gens de collège, assez ignorants delà langue « aux douceurs souveraines », ont dû épargner à Homère leurs gloses dithyram-