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122 LA REVUE LYONNAISE de barons et de seigneurs, sinon des bourgeois, fils de bourgeois? Et cela non seulement dans les derniers siècles, sous Ja royauté absolue, qui favorisait évidemment l'élévation des classes moyennes aux dignités et aux fonctions publiques, mais encore en plein moyen âge, pendant la période féodale ou du moins en un temps où la féodalité, bien que déjà fort entamée, était encore debout. Ne trouve-t-on pas, parmi les premiers membres de la compagnie dont M. d'Arbaumont a dressé la liste, des noms d'hommes qui, de la plus humble extraction et des plus minces emplois, s'étaient rapidement élevés aux charges les plus considérables du duché de Bourgogne ? Et ne ferait-on pas la même remarque dans les provinces voisines, à la cour des monnaies ou dans le consulat de Lyon ? Était-ce la naissance ou la faveur qui avait fait la fortune de ces nouveaux venus ? Non: ils ne la devaient qu'à leur mérite et à leur travail, et la noblesse qui conservait dans leur postérité le lustre de leurs laborieux services n'était qu'un nouvel hommage rendu par le pays à des mémoires qui lui étaient chères. A cette époque, d'ailleurs, elle était moins consacrée par la loi que par l'usage ; elle résultait plus encore de l'opinion et des mœurs que d'une législation positive, quoique celle-ci ait, été écrite. Peut-être n'en avait-elle alors que plus de prix. Gomme la cou- ronne civique romaine, elle se décernait par acclamation, et celui qui en héritait n'était pas réputé plus noble que celui qui l'avait gagnée. Envisagée à ce point de vue qui me semble le seul vrai, l'his- toire nobiliaire est plus intéressante et renferme des enseignements plus profonds qu'on le suppose. C'est l'histoire même du tiers-état, étudiée dans ses représen - tants, non les plus tapageurs peut-être, mais du moins les plus laborieux. Ouvrez Y Armoriai de nos grandes et vieilles compa- gnies judiciaires et cherchez-y des noms illustres, des noms reten- tissants ; vous n'y trouverez presque toujours que le livre d'or de la bourgeoisie. Il semble que l'ancien régime ait pris le contre- pied des doctrines et des aspirations modernes. La démocratie pulvérise les hommes ; aussi, disait Benjamin Constant, quand l'orage éclate, cette poussière devient delà boue. L'ancien régime, lui, prenait de la poussière, il la comprimait peut-être, mais par