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106                       LA R E V U E     LYONNAISE

  — M. Bayet enfin reconstitue l'histoire de l'élection de Léon III et de la
révolte des Romains en 799. Il tire de ses recherches les conséquences qu'on
devra désormais reporter à cet événement.
                                                   PAUL    MARIÉTON.




      POÉSIES BRETONNES (Au pays de Retz. — Poèmes italiens et bretons. —
       Cantilènes. — Souvenirs et légendes), par JOSKI>H ROUSSE. — Paris, 1882.
       Alphonse Lemerre, éditeur. Un très joli volume. Prix: 3 fr. 50.

   La poésie de M. Rousse est simple et sans apprêts ; elle ne demande son succès
ni aux hardiesses du sensualisme ni à un naturalisme extravagant. La langue que
parle sa Muse est la française, qualité des moins communes aujourd'hui. La nature,
l'amour du foyer et de la famille, les sentiments les meilleurs et les plus nobles
de l'âme humaine sont ses inspirateurs. Disons aussi que l'idée chrétienne est
présente partout dans ses vers et qu'elle lui en a dicté quelques-uns d'excellents,
cette strophe, par exemple, que nous demandons la permission de citer :

              Je souffre, et ma tristesse est amère et profonde;
              Mais tant d'autres meilleurs ont souffert avant moi,
              Qui, courbés sous la croix, ont traversé le monde
              Sans jamais, ô mon Dieu, vous demander pourquoi!
Et ceux-ci:
              Mon Dieu, soyez béni, vous qui mettez encore
              Un peu de vieille joie au cœur qui vous adore.
              Vous avez les trésors de la sérénité :
              Répandez-les, Seigneur, sur notre aridité.
              On raille vos croyants, mais aux heures funèbres
              Où la mort devant l'homme entr'ouvre ses ténèbres,
              Celui qui croit en vous dans la paix de son cœur
              S'endort en espérant l'aube d'un jour meilleur.

   Voilà de belles pensées et de bon vers. 11 est à regretter, notre devoir de cri-
tique nous obligeant à dire toute la vérité, qu'il se soit glissé de ci de là plus d'un
vers dont la note prosaïque détonne désagréablement : il en est qui se traînent
péniblement terre à terre et auxquels manque le coup d'aile qui les emporte aux
horizons bleus. M. Rousse aurait pu travailler davantage plusieurs de ses pièces
et se rappeler le nonum prematur in annum : pour être vieux, le précepte
n'en est pas plus mauvais. Au surplus, cette remarque ne vise que certains points
de détail.
   Mais nous avons encore une observation à adresser au poète. On a reproché
maintes fois aux félibres leurs tendances au fédéralisme, leur facilité à ressusciter
les vieilles haines du Midi contre le Nord. Eh bien! c'est cette même antipathie,
non plus du Méridional cette fois, mais du Breton contre le Français que M. Rousse
nous semble, en plus d'un passage, se plaire à rappeler, nous n'osons dire à r a -
viver. On trouvera des exemples de ce que nous avançons notamment dans les
pièces intitulées : Les Soldats bretons, le Pardon de la Palud,          VIndépendance
bretonne. Nous n'hésitons point à dire combien de semblables évocations nous
paraissent fâcheuses. L'unité française est faite depuis longtemps, les races se sont
fondues et mélangées ; Bretons et Dauphinois, Languedociens et Francs-Comtois
ont versé côte à côte leur sang dans une foule de batailles pour la défense de la
patrie. Cette grande patrie, qui embrasse dans son sein toutes les patries indi-
viduelles, c'est la France. Au moment où nous sommes, quand plus que jamais