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98 LA REVUE LYONNAISE Peut-on sans un adieu quitter ce qu'on adore? J'étais devant la coupe où je ne boirais plus ! Avant de la quitter j ' y voulus boire encore, Ma main ouvrit un livre au hasard, et j ' y lus .. — Pardonne-moi, Mistral, si je te calomnie En mon vers libre et raboteux Et mets de la fadeur où tu mis du génie, 0 riche!... je ne suis que le pauvre honteux! — Et j ' y lus: « A ta sœur rcssemble-tu? » dit-elle. — a Point ! Elle est blonde comme blé Et comme un courcousson, je suis bru;i et hâlé. Mais savez vous plutôt qui l'enfant me rappelle ? Vous!... par son gai minois elle est votre jumelle Et par les longs cheveux dont son front est voilé. Mais pour ajuster sur leur tresse La coiffe qui vous sied si bien, Combien vous avez plus d'adresse Et comme votre geste est plus beau que le sien ! Pourtant elle est jolie, et chacun la dit telle ; Mais combien êtes-vous plus belle ! » Et là , Mireille en l'ouïssant, Abandonnant la branche qu'elle cueille, Chargée encore à moitié de sa feuille, Mireille dit : « Oh ! ce Vincent ! » Chantez, chantez, Magnanarelles ! Les vers à soie ont leurs robes nouvelles! Riche est la frondaison de vos mûriers penchants! Et les arbres sont pleins de ces vierges vermeilles, Joyeuses au travail, comme un essain d'abeilles Qui dérobent leur miel aux romarins des champs. — « Ainsi, plus que ta sœur tu me trouves gentille ? » Dit à Vincent la jeune fille ; — « Beaucoup plus ! » répond-il. « Qu'ai-je de plus ? » — Dieu bon ! « Qu'a le chardonneret de plus que la cigale « Si ce n'est la beauté, joyau que rien n'égale, « Et; la grâce et le chant dont le ciel lui fit don ? » — « Maisencor? — « Chère Vincenette, « Pardon ! Tu n'auras point la palme !... la pauvrette « Comme l'eau de la mer à l'œil limpide et bleu ! « Le vôtre comme jais est noir, ô jouvencelle; « Et sur moi quand il étincelle « Je crois boire un vieux vin qui met mon cœur en fea! « Chantant la Payronelle on aimait à l'ent:ndre;