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                LE SONGE D'UNE NUIT D'HIVER                    5O9

   Il faut remercier Dieu des illusions parfumées de la
jeunesse, et des joies plus calmes de l'âge mûr, comme on
le remercie des fleurs du printemps et des fruits de l'au-
tomne, sans exiger une durée perpétuelle des belles saisons
de Tannée et de la vie. Et puis, il est trop évident que nous
ne comprendrions pas la joie sans le chagrin, comme nous
n'apprécierions pas l'été sans l'hiver, le jour sans la nuit,
la vérité sans le mensonge...
   — . . . La santé sans la maladie, continua la folle du logis, la
jeunesse sans la vieillesse, la sagesse sans la folie. Voilà
ton lot du jour, mon bon docteur. Après avoir monté
gaîment le bon côté delà montagne, tu descends tristement
la pente abrupte. C'est la contre-partie de ton jeune temps.
Mais, patience et courage! je suis là pour t'adoucir les
amertumes de la vie qui s'en va. Dans les insomnies comme
celle de cette nuit, nous poétiserons le passé et nous bavar-
derons de l'avenir, et nous ferons ainsi, jusqu'à ce que le
temps ait fait son oeuvre. Alors, si je ne me suis pas éteinte
moi-même dans le crâne vivant que reluquent les vers, je
te faciliterai le grand passage de la barque à Caron.



                                 *
                                **


   L'aube commençait à blanchir le sommet de la montagne
qui fait face au levant. Les coqs chantaient à tous les per-
choirs. Les chiens aboyaient dans les fermes. On entendait
là-bas le bruit cadencé des marteaux du maréchal-ferrant,
le plus matinal des travailleurs de la ville, frappant sur
l'enclume.
   A ce moment, trois coups sonores, vibrants, solennels,