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510 LE SONGE D'UNE NUIT D'HIVER furent frappés à la grande cloche de la paroisse, ce qui voulait dire qu'il était mort une personne dans la nuit. Claude tressaillit sans savoir pourquoi, et il attendit avec impatience l'arrivée du vieux serviteur qui lui apportait chaque matin son courrier avec une tasse de lait bourru, afin de savoir le nom du défunt. L'homme arriva un peu plus tard que d'habitude, parce que, ayant aussi entendu les trois coups et cédant à la curiosité, il avait voulu, avant de venir, être fixé sur l'évé- nement funèbre de la nuit. — C'est la Sœur Sainte-Elisabeth, dit-il, qui est partie pour le Paradis sur le coup de quatre heures. En voilà une à qui saint Pierre ne refusera pas l'entrée du Paradis ! Quelques jours après, la supérieure des Sœurs de l'hôpital fit remettre à Claude une petite boîte que la Sœur Sainte- Elisabeth avait recommandé de remettre, après sa mort, au docteur Claude, comme souvenir de leur amour com- mun pour les pauvres et les affligés. Il était très ému en l'ouvrant, mais il le fut plus encore après l'avoir ouverte, en y trouvant la croix en filigrane de Gènes qu'il avait jadis donnée à Lisbeth, croix ternie par les larmes, mais dont le contact fit sentir à Claude comme l'étincelle électrique de toute une vie d'amour et de dévouement ignoré. — Tu remarqueras, dit la folle du logis, qu'elle est morte précisément à l'heure où tu finissais de brûler ses lettres. Quelle coïncidence ! mais est-ce une simple coïncidence ? Voilà pour joindre à ton traité des mystères, si tu continues de vouloir tout expliquer. — O h ! pensa tristement Claude, je comprends mainte- nant le soin qu'elle mettait à m'éviter. Je comprends aussi ce qu'elle a voulu dire par cet envoi d'outre-tombe. Le vrai bonheur, elle l'a trouvé : transiit benefaciendo. Voilà le secret