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J08            LE SONGE D'UNE NUIT D'HIVER

que donne la fortune, les germes mortels abondent. Il n'y a
plus la force d'âme, parce qu'il y manque les nécessités
inéluctables de la vie qui réveillent les énergies cachées et
qui seules font les corps vigoureux et les âmes courageuses.
C'est pourquoi, en dépit des généalogistes à longue portée,
la science médicale peut affirmer, et l'histoire confirme, que
les familles riches ne dépassent pas généralement trois ou
quatre générations, ce qui s'accorde avec l'ancien adage :
Raro gaudet tertius hœres. Pauvre plante humaine, tu obéis
à la grande loi du monde végétal ; l'avenir est aux sauva-
geons et les cultures d'élite ne se reproduisent pas.
   — Avoue, mon brave docteur, dit la folle, qu'il est fort
heureux que la maladie s'attaque aux gens riches plutôt
qu'aux autres, car ceux-là du moins peuvent payer le
médecin.
   — Voilà, répliqua le docteur une remarque très imperti-
nente, puisque tu sais fort bieu que je ne fais de la méde-
cine qu'en amateur et n'ai jamais fait payer mes conseils à
personne.
   — O rêveur encore plus que médecin ! Un autre docteur
Faust, cherchant la pierre philosophale, et trouvant quoi ?
Méphisto !
   — Oh ! pour le coup, exclama Claude, j'enverrais joliment
promener le diable s'il venait proposer de me rajeunir. Ce
n'est pas pour écrire de nouvelles lettres d'amour que j'ai
brûlé celles de Marguerite. De même que le printemps
revient après l'hiver, il est possible que la jeunesse revienne
après la mort, mais sans ce passage suprême, on ne conçoit
même pas un retour de la vie sur ses pas. La science, la
sagesse, ou plutôt la philosophie qui comprend l'une et
l'autre, ne consiste pas à forcer la destinée, mais à la com-
prendre et à en accepter les épreuves ausfi bien que les joies.