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452            LE SONGE D'UNE NUIT D'HIVER

que la philosophie est la contemplation de la mort, il
chercha-à philosopher en se concentrant dans les pensées à
perte de vue que pouvaient inspirer la vue du dehors et du
dedans, le bruyant désordre de l'atmosphère et l'aspect de
ses muets compagnons. Mais, comme d'habitude, il ne
trouva que le vague, le doute et-l'incertitude. A la fin, plus
fatigué qu'impressionné de la danse du squelette, à laquelle
il était dès longtemps habitué, il ne put s'empêcher de lui
crier :
   — Tais-toi donc Lisbeth!
   Et, comme il ferma la porte en disant ces mots, Lisbeth
se tut.

                              *


   Pauvre Lisbeth !
   Et Claude se remémora les circonstances dans lesquelles
ce débris humain était venu dans son cabinet. L'histoire
remontait à un demi-siècle ou peu s'en faut. Claude, faisant
ses études de médecine à Montpellier, avait un ami posses-
seur d'une maîtresse charmante. Mais ni la beauté ni
l'amour ne sont des brevets de longue vie; bien au contraire,
et ce qu'on appelle une phtisie galopante emporta un jour
la pauvre fille au grand désespoir de l'étudiant. Celui-ci,
par je ne sais quelle funèbre fantaisie, voulut au moins
conserver le squelette de sa bien-aimée et le plaça dans sa
chambre, l'interpellant parfois du nom que portait la
défunte : Lisbeth! Il paraît qu'à ce jeu la tête du malheu-
reux jeune homme perdit son équilibre, et finalement il
suivit la morte dans un monde meilleur, dit-on, mais sur
lequel on n'a encore aucune donnée bien positive. Or,