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3*20 MICHEL DUMAS Bonne étude, mais c'est un premier échelon. Il faut regarder plus haut, bien haut, et sans perdre de vue votre étude, la diviniser. Ce n'est qu'à ce prix que ce sera un Christ. » Et le quittant, Ingres répétait :, « courage ! » Ce n'était certes pas le courage qui manquait à Dumas ! 11 se remit au travail, et cette fois sur une grande toile, l'effort fut immense. Il ne s'interrompait que pour aller admirer au Louvre les chefs-d'œuvre des anciens maîtres. C'était sa manière de retremper son énergie. Dumas, qui n'a jamais brillé par la rapidité de l'exécu- tion, peignit cependant très vite cette belle figure. Il dési- rait vivement une nouvelle visite du maître. Il vint. Après avoir promené sur la toile ce regard dominateur qui n'ap- partenait qu'à lui, il poussa une de ces exclamations qui n'étaient aussi qu'à lui seul. Il faut l'avoir vu dans ces moments : il grandissait !... Dumas était inquiet, tremblant. Tout à coup Ingres se retourne, lui dit que son tableau est beau, superbe, et suivant son habitude, quand il ne trou- vait pas le mot sur-le-champ, c'est dans le geste, un geste enthousiaste et puissant, qu'il acheva sa pensée en embras- sant Dumas et en murmurant le mot « sublime ». On a dit sans raison qu'Ingres était un païen égaré dans notre siècle. Il comprenait tout admirablement, et particu- lièrement les grandes œuvres religieuses. Nous en trouve- rons une autre preuve dans l'enthousiasme où le jeta une certaine Mater dolorosa. Le Christ de Dumas fut exposé en 1863, et lui valut la médaille de première classe. Il épuisait ainsi d'un coup le pouvoir du Jury. C'est bien là , du reste, le chef-d'œuvre de notre ami. Ce Christ en croix, la tête baissée, se détache sur un fond sombre et calme, le calme de la mort. La figure du