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                     A THÉOPHILE FOISSET                   287

der, comme d'un jour à l'autre, dans son esprit, l'ombre à
la lumière. « Mes doctrines n'étaient pas claires », dit-il
plus tard, parlant de ce temps où il se cherchait. Ses réso-
lutions de conduite éprouvaient les mêmes fluctuations.
Tantôt la Pologne l'attire, tantôt New-York, dont l'arche-
vêque lui offre un poste de grand-vicaire, tantôt l'ordre des
Jésuites, tantôt la vision d'un Port-Royal catholique. Les
divinations de la sensibilité ne lui venant que peu en aide,
son sens admiratif, ce privilège de la jeunesse, surtout de la
jeunesse de ce temps-là, joua plus d'un mauvais tour à sa
candeur. Ce ne fut pas seulement par Lamennais, le plus
grand de tous ceux vers lesquels il s'inclina, que Lacordaire
connut l'amertume de la déception après l'ivresse de l'en-
thousiasme.
    Sa pensée enfin se dégagea d'autant plus nettement que
l'indépendance de l'esprit, le désintéressement de soi-
même, une incomparable loyauté de cœur, l'aidaient à
mieux discerner la vérité dans la mêlée des idées et le pous-
saient à la dire, en dépit des critiques et des malveillances
qu'il prévoyait. « L'ordre de foi posé, la liberté de concep-
tion reste entière », écrit-il, à cette époque où l'antique
in dubiis libertas était encore franchement appliqué par tous
les écrivains catholiques, et il se lançait en avant avec une
hardiesse qui n'était pas sans rappeller ces complexions
mystérieuses qu'attirent les précipices et les tempêtes.
   Travailler à la réconciliation de l'Eglise avec la société
pensante était sa grande soif. Elle lui inspira les vues direc-
trices de son apostolat, ce qu'on a appelé son rationalisme
et son libéralisme. Mais il faut s'entendre sur ces mots qui
ont suscité contre lui tant de dénigrements injustes.
  Il estimait qu'un ministère adressé à l'élite sociale ne
devait plus se contenter d'enseigner d'autorité la doctrine