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UNE VILLE DU MOYEN AGE 233 nement s'accroît encore. Là , le savant raccommodeur des édifices du moyen âge s'est absolument surpassé. Pas une note qui détonne, pas une pierre qui n'ait sa tournure archaïque. C'est une interminable enfilade de pièces im- menses, pittoresquement dissemblables, malheureusement vides. Si l'on pouvait, comme on l'a fait il y a deux ans à ce Borgo-Medioaevo de l'Exposition de Turin (que, grâce au choléra, peu de Français ont' vu), restituer à ces logis belli- queux leur mobilier et leur attirail de guerre, il n'y aurait certainement pas au monde une merveille semblable. Salles d'armes, cuisines avec cheminées à rôtir un éléphant, dor- toirs pour les reîtres et chambres blasonnées pour les offi- ciers; réfectoires voûtés en arc de cloître d'un appareillage exquis; charpentes admirables de hardiesse et d'élégance ; guérites de pierres accrochées le long des murs d'enceinte, comme des cages à leur clou ; chemins de ronde crénelés où la vue s'étend des sommets sombres des Cévennes aux pics neigeux des Pyrénées; tout cela restauré et remis au point avec une exactitude historique, un respect des moindres détails qui, bon gré malgré, vous rajeunissent de huit siècles. Il m'a fallu le spectacle des longues cheminées d'usines qui vomissaient leur fumée noire sous mes pieds, pour me rappeler que j'étais un sujet de M. Grévy, débar- qué tout à l'heure du chemin de fer, et non un soldat de Simon de Montfort guettant l'apparition des Albigeois. C'est beau, c'est d'un saisissant inouï, et ce n'est pas tout. Ce riche collier de pierre entoure un joyau plus pré- cieux encore : l'église de Saint-Nazaire, la cathédrale de la Cité. Pour aller de l'enceinte fortifiée à la cathédrale, il faut traverser quelque chose comme une petite ville, sordide, gluante, humide, où se reproduisent quinze ou seize cents