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210          LETTRE D''UX LYONNAIS D'ALGERIE

de faire miennes toutes les conclusions, ait pour origine et
pour essence un universel consensus, qui serait dans l'état ce
que le pacte social est à la société, alors nous offrons au
naturel le tableau de l'enfantement de ce consensus et de
cette idée.
   Et remarquez que, comme disait l'autre, il en est de tout
comme de tout. On peut retrouver ici, dans le détail, en
puissance, virtuellement, tous les caractères qui sont là-bas
développés en grand.
   Il ne s'agit point seulement, en effet, d'instituer la
physiologie et la psychologie d'une race qui naît, avec
ses formes sociales dans l'ordre de la famille, de la pro-
priété, etc., et son évolution organique ; pas même de
dresser une savante monographie dans le goût de M. Le
Play. Ce sont là de graves problèmes, abstrus, où je n'ose-
rais m'essayer. Mais il y a des côtés moindres par où l'on
peut aborder plus facilement ces problèmes, et ce sont ceux
que je tente. Comme fait ce monde naissant par rapport au
vieux monde, je fais moi en petit ce que vous faites
en grand. Je n'ambitionne même point le mérite des abeilles
de Virgile : tenuis labor, tenuis gloria.
   Je m'amuse à suivre la formation de l'esprit local, des
traditions qui commencent à se fonder. Je vois naître chez
nous un diminutif de provincialisme qui ressemble au vôtre
par toutes ses qualités et par tous ses défauts aussi : vous
ne sauriez croire combien nous sommes déjà jaloux de notre
indépendance, dans Vintérieur (c'est ainsi qu'on nomme ici
la province) au regard de notre capitale, et combien notre
capitale affiche au regard de nous des airs de désinvolture et
d'autorité tout à fait réjouissants. Je recueille pour nos his-
toriens futurs tout ce qui me tombe sous la main qui puisse
servir à notre histoire littéraire et anecdotique. Je collée-