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                            A M. h.\   CLOS.                         63

   exprès, mais j'espère qu'il aura le droit. On criera contre Mirabeau,
   on dira qu'il s'est vendu, tant pis pour ceux qu'on croira qu'ils
   l'ont acheté ; le moyen est bon pour nous. Cet aboyeur a peur ;
  il m'a écrit qu'on pourrait bien le tuer dans cette avanture :
  rassurés-le; dites lui qu'il sera gardé à vue et sauvé. Au reste, si
  on le tue, c'est que nous n'aurons plus besoin de lui. J'espère
  que son frère (le vicomte) y sera pris : vous avez la liste.
      Je suiverai vos conseils. Quand tout sera dit, vous me ferés
  demander par la majorité, d'une manière absolue. Vous prétex-
  terés le besoin de l'Etat et sa tranquillité, et je me rendrai à
  ces hautes considérations ; je volerai à Paris. Qu'on vienne à ma
  rencontre et que mon entrée soit un triomphe ; il faut cela pour
  les yeux du peuple et pour les miens, plus de Neckre.
      Enfin réfléchisses un peu aux trames où vous m'engages. Si
  ceci manque, me voilà encore une fois sans argent, et honni de
  tout le monde; ne reparoissés jamais devant moi. C'est vous
 seul qui m'avez rendu ambitieux, et vous avés mal calculé mon
 caractère... Vous m'avés toujours parlé de Guise et de Cromwel;
 je ne suis pas né ainsi. Vous vouliés que je tirasse l'épée : Ehî
 morbleu avec votre épée, on dirait que cela est si facile ; il
 fallait masquer mes projets ; il fallait réussir ; voilà le mot. Ne
 valait-il pas mieux que je restasse tranquille? et loin de liguer
 avec les capitalistes et les parlemens, pour avoir les Etats géné-
 raux, ne devois-je pas, au contraire, me ranger du côté de la
 cour pour ne les avoir jamais? Ma fortune seroit encore entière ;
 je serois en France, le trône où mes enfans pouvoient monter
un jour, ne seroit pas renversé, et celle terreur qui m'assiège
jour et nuit, ne seroit pas mon supplice. C'est vous qui m'em-
 pêchâtes de m'aller jetter aux pieds du Roi, lorsque les Alle-
 mands menaçaient Versailles. Ce sont vos artifices et la rigide
métaphisique de Y abbé Syeyes qui m'ont perdu. Ah ! La Clos,
 que le roman patriotique que vous m'avés fait faire, peut bien
s'appeler , à plus juste titre, les Liaisons dangereuses, que celui
où vous avés dépeint Valmont et Merteuil.
   Vous m'avés toujours mis devant les yeux les quelques mois
d'exil que j'ai passé au Raincy ; Entre nous , ne méritois-je pas