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voulu le laisser ainsi pour lui éviter les douleurs des
premières opérations.
    Tout en agissant, je l'avais observé : il était b e a u ,
gracieux de formes ; sa figure devait avoir été belle et
gracieuse aussi : il pouvait avoir 22 ou 23 ans.
   Ne vaudrait-il pas mieux qu'il fut mort ? me disais-je
à part moi, quelle existence va devenir la sienne, s'il
vit, horriblement défiguré qu'il sera ! Et encore vivra-
t-il ? j'aurai à combattre là une cause morale d'une force
et d'une action peu commune, et difficile par suite à
réduire.
   Je ne pouvais alors attendre des secours efficaces et
curatifs que du père et de cette jeune femme qui m'in-
téressait tant.
   Puis laissant de côté ces sentiments pénibles, l'homme
fit place an docteur ; j'appelai à moi l'observation et
l'analyse ; je concentrais toute mon attention à recueillir
les premières sensations, les premières paroles de mon
jeune suicidé.
    Pour lui il était bien et dûment mort; il avait opéré la
brutale séparation, sa vie n'était plus. Je parvins avec
assez de peine à le faire sortir de l'anéantissement profond
dans lequel il était plongé ; je regrettais seulement de ne
pas voir ses yeux cachés par les bandages.
   Peu à peu le retour à la vie s'annonça par des mouve-
ments nerveux lents et pénibles ; puis il aspira l'air
longuement, et il articula quelques mots inintelligibles
et confus. Le vieux colonel le suivait d'un œil inquiet ;
la jolie figure de femme ne respirait plus, elle couvrait
une des mains du blessé de ses larmes qui s'étaient enfin
fait un passage.
   C'était un solennel moment !