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tient quels étaient, chez M. de Mably, les appointements de
Rousseau :
  jjme , j e ^ a r e n s , dit-il, avait à Grenoble une amie appelée M me Deybens,
dont le mari était ami de M. de Mably, grand prévôt à Lyon. M. Deybens me
proposa l'éducation des enfants de M. de Mably; j'acceptai, et je partis pour
Lyon sans laisser ni presque sentir le moindre regret d'une séparation dont
auparavant la seule idée nous eut donné les angoisses de la mort.

    Ou lit plus loin :
  M. de Mably ne ine donnera que 350 1. de fixe , les 50 1. restantes seront
par forme d'élrennes. Je pars demain pour Lyon.

    J'avais à peu près , dit Rousseau, les connaissances nécessaires pour un
 précepteur, et j'en croyais avoir le talent. Durant un an que je passai chez
M. de Mably, j'eus le temps de me désabuser. La douceur de mon caractère
 m'eût rendu propre à ce métier, si l'emportement n'y eût mêlé ses orages.
 Tant que tout allait bien , et que je voyais réussir mes soins et mes peines,
 alors je n'épargnais point, j'étais un ange; j'étais un diable,quand les choses
 allaient de travers. Quand mes élèves ne m'entendaient pas, j'extravaguais;
 et quand ils marquaient de la méchanceté, je les aurais tués ; ce n'était pas
 le moyen de les rendre savants et sages. J'en avais deux ; ils étaient d'hu-
 meurs très-différentes ; l'un de huit à neuf ans, appelé Sainte-Marie, était
 d'une jolie figure , l'esprit assez ouvert, assez vif, étourdi, badin, malin,
 d'une malignité gaie. Le cadet, appelé Condillac ( l ) , paraissait presque
stupide, musard , têtu comme une mule, et ne pouvant rien apprendre (2).
 On peut juger qu'entre ces deux sujets je n'avais pas besogne faite. Avec de
la patience et du sang-froid , peut-être aurais-je pu réussir ; mais, faute de
l'une et de l'autre, je ne fis rien' qui vaille, et mes élèves tournaient très-
mal. Je ne manquais pas d'assiduité, mais je manquais d'égalité, surtout de
prudence. Je ne savais employer auprès d'eux que trois instruments, toujours
inutiles et souvent pernicieux auprès des enfants : le sentiment, le raison-
nement, la colère. Tantôt je m'attendrissais avec Sainte-Marie jusqu'à pleu-
rer; je voulais l'attendrir lui-même, comme si l'enfant était susceptible
d'une véritable émotion de cœur ; tantôt je m'épuisais à lui parler raison,
comme s'il avait pu m'enlendre; et [comme il me faisait quelquefois des


 ( i ) Du nom de son oncle devenu depuis si célèbre.
  (3) CONFESSIONS , livre iv, jag.   466.