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POÉTIQUES CONTEMPORAINES 267 impassibles, Henri Rouger cache une âme aimante et douce dont voici la philosophie : Eh bien ! que l'heure coule et soit mauvaise ou bonne ; Instants, gestes et pas, larmes, combats livrés, Rires, rumeurs, regards, lèvres qui blêmirez, Feuillaison dont s'effeuille et renaît le feuillage, Héroïsme du fort et sagesse du sage, Voix du poète et voix de la mer ou du vent, Destin, nature, esprit, vaste horizon mouvant, Soleils semant les deux, songes perçant les mies, Parfums, vertus, splendeurs que j'ai trop peu connues, Air vivant que j'aspire avec trop peu d'amour, Douce, ô douce lumière, ô lumière du jour ! Lorsque la nuit viendra, la nuit tardive ou prompte, Je m'arrête un moment devant le soir qui monte ; Debout dans ta douceur au seuil noir de la nuit, Je veux lever mes mains vers le jour qui s'enfuit, Et je veux saluer du fond des heures brèves La fragile beauté des formes et des rêves. Tels sont les quelques poètes dont j'ai tenu à m'occuper. Personne ne pourra nier, j'espère, leur intérêt. On se de- mande chaque jour s'il est un mouvement poétique. A mon sens, il en est un et des plus remarquables. Les critiques hargneux auront beau dire : la poésie n'est pas près de mou- rir, malgré l'indifférence et le positivisme d'une époque où le commerce tient de plus en plus lieu d'art poétique et où les désirs pécuniaires chaque jour grandissants rem- placent l'essor de la pensée. Habent siiafata sœcula! Pierre de BOUCHAUD.