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                  POÉTIQUES CONTEMPORAINES                     259

        v Dis-moi, soupirera-t-elle, mon cher amant,
        Le nom dont celui-là qui n'aime plus se nomme ? »
        Et tous deux, confondant leurs voix, pensivement,
        Liront : « Laissez dormir la poussière d'un homme. »

   Jamais Guérin n'était parvenu à une telle intensité
d'émotion. Son habileté technique serait peu de chose si
elle n'était secondée par une sensibilité philosophique, un
réalisme mystique très rares.
   Peu m'importe de savoir si, comme on l'a prétendu, il
continue le Romantisme. Il me suffit qu'il perpétue la race
des vrais poètes.
                                  *

   De Guérin à Francis Jammes, la transition est naturelle et
Pierre Quillard ( i ) a montré quels points de contact avaient
ces deux poètes. Comme métier, ils sont totalement opposés.
Guérin, on l'a vu, reste fidèle à la forme classique.
Jammes est plus novateur. Il nous donne aujourd'hui le
Deuil des Primevères qui fait suite à cet adorable volume :
De VAngélus de l'Aube à ïAngélus du Soir (2) qui, lorsqu'il
parut, fut une révélation et força les plus rébarbatifs mêmes
des gros messieurs de la critique à s'incliner devant un
talent aussi complet que spontané. Jammes aime les collines
d'Orthez, son pays natal. Il a pour la douleur et la mort
des mots d'une grande douceur résignée. Il adore les plantes
et les animaux; il comprend à merveille la manifestation
des âmes obscures de ces derniers; il apprécie à son mérite
leur ambiance. Personne n'est habile comme lui à dépeindre
les saisons et les jours en des termes d'une pareille sim-


  (1) Mercure de France, juillet 1901.
  (2) Mercure de France.