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UNE VIEILLE MAISON LYONNAISE 435
cage de fer, il y avait le très célèbre Cheval Blanc, enseigne
d'une auberge réputée, qui émergeait si fièrement du pre-
mier étage d'une demeure où les broches ne tournaient
plus depuis longtemps. . .
On le voit encore, toujours en fermant les yeux, ce beau
genêt d'Espagne, avec sa crinière farouche et sa queue
abondante, magistralement crespelée, la jambe droite,
hors montoir, relevée dans l'attitude du cheval qui part,
drapé de son harnais de guerre à franges et à grelots; tenu
en laisse par son petit négrillon, morieaud de svelte allure,
qui montrait, des mains tenant la bride, les naseaux fumants
du grand destrier. Au-dessus du négrillon, pendait le mors
à longues branches, du xve siècle, fort authentique, en fer,
et de « l'époque ». Que de convoitises il a excitées, et
qu'heureux fût-il d'être perché aussi haut et de difficile
atteinte !
Très remarquables aussi étaient les profils des moulures
compliquées qui soutenaient la terrasse, où reposait le
groupe entier au tiers de nature et qui décoraient le dais
polychrome qui le surmontait. La Ville a fait des démarches
pour obtenir ce curieux morceau de l'art industriel de la
fin du xv e ou du début du siècle suivant. Elles ont été
vaines; le propriétaire s'est obstiné à faire descendre le
groupe et à le transporter à sa campagne de Genay, proche
Neuville. On dit qu'il l'a fait remonter et placer en bon
lieu. Mais qui s'en souvient maintenant, et quelles injures
le temps ou les hommes, le soleil et la gelée, ont-ils fait
subir au bon Cheval Blanc, à son nègre, à son mors ?
Etvous entendez, oreilles ouvertes et les yeux clos, les bruits
de la rue affairée, et volontiers, avec un peu d'aide de la folle
du logis, il vous semble ouïr les encouragements des dames
lyonnaises au jeune écuyer ayant vaillamment-combattu.