Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                  POÉTIQUES CONTEMPORAINES                         255

Samain dans son beau livre .• Aux flancs du vase ( i ) , Mme
de Noailles a su rendre, en des vers d'églogues ou en des
stances qui ont parfois quelque analogie avec celles de Ché-
nier, ses pensées, ses espérances personnelles et les obscurs
mouvements d'une âme ardente et passionnée : telle cette
offrande à Pan où, sous l'invocation au Dieu antique, on
sent percer l'appel ingénu à la tendresse :
        Cette tasse de bois, noire comme un pépin,
        Où j'ai su, d'une lame insinuante et dure,
        Sculpter habilement la feuille du raisin
        Avec son pli, ses nœuds, sa vrille et sa frisure,
        Je la consacre à Pan, en souvenir du jour
        Où le berger Damis m'arrachant cette tasse
        Après que j'y eus bu vint y boire à son tour
        En riant de me voir rougir de son audace.
        Ne sachant où trouver l'autel du dieu cornu,
        Je laisse mon offrande au creux de cette roche,
        — Mais maintenant mon cœur a le goût continu
        D'un baiser plus profond, plus durable et plus proche...

   Mme de Noailles a dédié son livre aux Paysages de l'Ile de
France, ardents et limpides. Elle a bien fait. Je la remercie
d'aimer la vie végétale, d'être sensible aux jeux du vent dans
les grands chênes et aux odeurs fortes et chaudes qui
s'échappent de la terre ou des fleurs qui s'y épanouissent.
Notre époque hâtive et affairée n'a plus le temps de con-
templer la Nature. On cherche des émotions esthétiques là
où elles ne sont pas et l'on ne comprend point la simple
et vraie beauté qui s'exhale des plantes, de la courbe gra-
cieuse des collines, ou des profondeurs boisées. On ne
s'arrête plus à regarder la course des nuées sous la bise
automnale. On n'aime plus la simplicité de la vie calme et


   (i) Et aussi dans certaines pages de son oeuvre posthume le Chariot
d'or (Mercure de France),