page suivante »
POÉTIQUES CONTEMPORAINES 247 ront encore pour la plus grande tristesse des vrais amis d'Apollon. Et Dieu sait pourtant si ce sont des vers Par- nassiens, ceux-là , et si les rimes en sont riches ! Gardons-nous donc de condamner trop vite ce que nous ne comprenons pas toujours. « N'ayons pas ce dédain qui, chez un particulier comme chez un peuple, marque ordi- nairement peu de lumière », a dit excellemment Raynal dans son Histoire philosophique. Le dédain est une arme ridicule. Il ne faut pas traiter comme une chose sans importance l'école des Symbolistes. Elle a produit de belles œuvres. Elle peut parfaitement en produire de nouvelles encore. Il y a place pour tout le monde sous le soleil. Le seul inconvénient du Symbolisme c'est qu'il 'réclame de la part de ses adeptes un talent spé- cial, cette sorte d'aptitude à « l'évolution rythmique » dont il vient d'être parlé. Or, cette aptitude, tout le monde ne l'a pas... Et dans ce cas-là , sous peine d'un piteux échec, il est inutile de chercher à l'acquérir. Sunl quos carriculo... Il en est qui, avec le vers libre, avec le vers sans les entraves prosodiques coutumières, sentent leur souffle grandir ainsi que l'inspiration ( i ) . Mais il en est aussi pour qui le mou- le exact du vers est la source même de leur talent et la (1) J'estime pour ma part que n'importe qui peut apprendre à rimailler tant bien que mal, selon les règles traditionnelles, mais non point à composer des poèmes comme ceux de Kahn ou de Régnier. C'est qu'il ne sagit pas là , comme on s'est plu aie répéter trop souvent, d'une simple question de phrases à écrire en lignes plus ou moins égales, mais bien de l'inspiration même. La rime, a la rigueur, remplace jus- qu'à un certain point l'inspiration ou le talent. Or, il n'en est pas de même des poèmes en vers libres où l'intérêt doit porter en quelque sorte tout le poids de l'attention qui n'est ni bercée ni distraite par la cadence des sons rimants.