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246          CONSIDÉRATIONS SUR QUELQUES ÉCOLES

  Toutes ces oeuvres, pour n'être pas rimées, n'en ont pas
moins une poésie charmante si par ce nom l'on entend le
don d'exprimer d'une manière rare des idées ou de décrire des
paysages au moyen d'images choisies ; et aussi, selon la
belle expression de Diderot : tout ce qu'il y a d'élevé, de
touchant dans une œuvre d'art, dans le caractère ou la
beauté d'une personne ou même dans une production
naturelle.
   Quand on se sert du terme de poésie, on le fait souvent
avec une confusion regrettable. Dans notre langue, le vers
et la prose ne sont pas toujours deux langages différents.
Il n'y a pas que les poèmes qui soient poétiques. A ce
compte-là tous les vers devraient l'être. Or, on sait assez
combien n'ont de vers que le nom. Ce n'est pas du nombre
de syllabes que dépend la poésie. Certaines pages de Cha-
teaubriand, de Jean-Jacques Rousseau, de Loti, l'emportent
de beaucoup, à cet égard, sur de pénibles assemblages de
rimes. Si l'on est charmé, à juste titre, par des vers comme
ceux-ci :
                   La fille de Minos et de Pasiphaé
ou
            L'effigie aux yeux clos de quelque grand destin.

   On ne peut qu'être désagréablement affecté par le vers
suivant :
                 O Père de famille, ô Poète, je t'aime !
ou encore
      Elle est charmante, elle est charmante, elle est charmante.

  Je ne voudrais blesser personne mais je sais plusieurs
poèmes d'un aëde fort populaire, qui, malgré la régularité
de leur coupe, n'ont rien du langage divin de la Muse...
Et cet aëde est le chef d'une école de poètes aux vers
médiocres et faciles qui ont essaimé, essaiment et essaime-