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i78 PIERRE D'ÉPINAC outrance pour rétablir la paix, et y réussit en apparence. Paix sans sincérité possible entre un roi humilié qu'elle avançait d'un degré dans le déshonneur, et un sujet tout puissant, trop supérieur à son maître, et qui sen- tait avec lui l'âme et le cœur de la France. Pendant ces événements qui préludèrent au drame de la Noël, Epinac dépensa une activité extraordinaire, des ressources de diplomatie peu communes; mais je ne vois pas que son caractère ait grandi dans cette attitude équivoque, où per- sonne n'aurait pu dire s'il était encore l'homme du roi ou déjà l'homme de la Ligue. Cependant la partie se serrait entre la royauté et les Guises. La plupart des députés des trois ordres, élus sous l'influence des princes lorrains, arrivaient aux seconds Etats de Blois, apportant contre la monarchie les mécontente-* ments amassés depuis quinze ans; ils se montraient intrai- tables, même sur des questions où la résistance était mal justifiée. Henri III se sentait à la merci du duc de Guise, et Madame de Montpensier, disait-on, montrait à tout venant les ciseaux préparés pour la tonsure du roi. Mais celui-ci tenait en réserve un merveilleux expédient : le 23 et le 24 décembre 1588, il faisait assassiner le duc et le cardinal de Guise. Pierre d'Epinac fut jeté en prison comme complice de la rébellion des Lorrains. On punissait en lui, selon M. Richard, « le principal conseiller, l'agitateur responsa- ble, la tête qui avait conçu le crime, le bras qui l'avait dirigé ». La mesure est cependant difficilement explicable, car, peu de jours auparavant, l'archevêque avait porté la parole devant les Etats au nom du roi; il faut ou que Henri III ait dissimulé profondément contre lui ses desseins de vengeance, ou qu'au dernier moment il ait acquis la preuve qu'Epinac le trahissait.