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J 76 PIERRE D ' É P J N A C tendresses de soeur, mêlées de je ne sais quel mysticisme, de quelle sensualité d'âme, mais que n'a jamais souillées rien de charnel? Et s'il est vrai que Pierre se soit oublié jusqu'à l'embrasser devant ses familiers, jusqu'à l'appeler « ma petite âme, mon petit cœur », je conviens que ce sont familiarités malséantes chez un si grave personnage, mais ce n'est pas un motif de crier au scandale. Epinac s'était donné au roi avec la loyale intention de le servir de son mieux, mais non sans savoir ce que valait le régime. Pendant ce temps, la Ligue grandissait, faisant fais- ceau de tous les griefs contre le gouvernement, mais surtout donnant corps à l'inquiétude publique sur l'avenir religieux du pays. Organisée dès 1576, elle avait d'abord vécu obscu- rément. Mais le roi étant sans enfants, et son frère étant mort en 1584, un prince huguenot devenait l'héritier pré- somptif de la couronne. Ce qui pourtant était contesté ; car c'était une question entre légistes de savoir si, dans le droit traditionnel de la France, un hérétique était apte à monter sur le trône. Au reste, l'immense majorité des catholiques unis ne connaissaient rien de ces arguties de savants; ils ne savaient que ceci : Henri de Bourbon était huguenot, et le péril était ^rand pour la foi. Qui oserait leur faire un crime de l'avoir pensé, et prétendrait que leurs alarmes étaient chimériques, quand ils avaient sous les yeux l'exemple de l'Angleterre ? Je lisais récemment un méchant livre où la Ligue était bafouée comme un épisode héroï-comique. Etonnante intelligence de l'histoire ! Contestez les résultats de la Ligue, invectivez tant qu'il vous plaira contre ses excès,