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PIERRE D'ÉPINAC 163 l'auteur ait fait des demi-concessions, ait légèrement amoindri son personnage. A mon avis du moins, Pierre d'Epinae est un peu plus grand qu'il ne l'a fait. Mais je conviens aussi qu'il n'a pas été un politique de génie, ainsi que je l'ai cru longtemps. Ayant eu l'occasion de le considérer d'assez près, j'estimais que, dans des con- jonctures favorables à ses talents, si par exemple le duc Henri de Guise ou Mayenne avaient fondé la quatrième dynastie, Epinac était de force à devenir l'organisateur d'un régime nouveau. Eh bien, je reconnais que je me suis trompé. Pierre d'Epinae est au-dessus de la moyenne des politiques, sans quoi on n'expliquerait pas la puissance et l'étendue de son action, mais il lui manque trop pour être du premier ordre. Au demeurant, quoi qu'on puisse penser de lui, c'était un beau et séduisant sujet que la vie de cet homme singu- lier, mêlé d'aussi près que possible à un fait capital de notre histoire, et dont le nom seul éveille l'idée de cette Ligue formidable qui faillit réussir. Disons mieux, qui a réussi dans sa conception essentielle. J'ai ailleurs (i) essayé de prouver que la Ligue avait fait triompher sa pensée fonda- mentale, la seule raison légitime de son existence, et là - dessus mon opinion n'a pas changé. En deux mots, que vou- lait la Ligue ? Un roi né ou devenu catholique. De fait, elle a forcé Henri IV à entendre la messe de Saint-Denis. Le reste importe peu. Les menées espagnoles, les desseins particuliers de la maison de Lorraine, la renaissance de la féodalité provinciale, les revendications des démocraties municipales, oui, tout cela en effet a succombé, mais ce (1) IM Tresse politique à Lyon pendant la Ligue, p. 59-61.