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.136          LA MORT DE GUILLAUME DU BELLAY

 ses paroles prophétiques (1) : « J'ay souvent ouy dire que
 tout homme vieil, décrépit et près de sa fin, faciilement
 divine des cas advenir... Vous veulx ramentevoir le docte
 et preux chevalier Guillaume du Bellay, seigneur jadys de
 Langey, lequel au mont de Tarare mourut le dixiesme de
 janvier (2), l'an de son eage le climactere et de nostre suppu-
 tation l'an 1543, en compte romanicque. Lestroys et quatre
 heures avant son decez il employa en parolles vigoureuses,
 en sens tranquil et serain, nous prédisant ce que depuys
 part avons veu, part attendons advenir ; combien que pour
 lors nous semblassent ces prophéties aulcunement abhor-
 rentes et estranges, pour ne nous apparoistre cause ne signe
 aulcun présent prognosticque de ce qu'il predisoit. »
    Ainsi mourut Guillaume du Bellay, loin de son gouver-
 nement, loin de son roi, loin de ses frères, dans un petit
 bourg obscur du Beaujolais. Le corps fut porté dans le Maine,
 et enseveli dans la cathédrale du Mans, où on lui éleva
 un superbe mausolée. Mais il avait fallu l'embaumer; l'opé-
 ration fut faite — on peut à peine en douter — par Ra-
 belais et Taphenon, et, cette fois, la main des praticiens
 dut trembler (3). La troupe repartit avec un cercueil, et
 arriva à Roanne. Là, on pouvait choisir entre la Loire et
 le grand chemin de Lyon à Paris, mais il y a toute apparence
 qu'on se décida pour la route.
   Nous ne suivrons pas plus loin le voyage du cadavre.
 M. Heulhard croit que la mort du maître désempara la
 petite troupe qui lui faisait cortège : « Le désarroi fut tel,


    (1) Pantagruel, liv. III, ch. xxi.
    (2) Erreur d'un jour.
    (3) Voy. Heulhard, Rabelais, ses voyages, etc. Paris, 1891, gr. in-8°
 (p. 170 et suiv.).