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 332               INAUGURATION DU MONUMENT

tout le monde sait à Paris, ni assez philosophe pour prendre son parti
sans aigreur, d'une déceplioiî qui ne surprit que lui.
  Pour se consoler de n'être point de l'Académie française, il aurait
pu, du reste, se dire que, si les contemporains oublient vite qu'un
auteur a failli en être, la génération qui suit oublie aussi vite qu'il
n'en a pas été.
   Il trouva dans l'antique Académie de Lyon des sympathies et une
estime qui auraient dû atténuer sa déception.
   Il eut une autre douleur encore plus vive : il connut, en vieillissant,
les rigueurs inattendues de la critique, et, comme il avait à la fois la
sensibilité morbide et irritable du poète un peu oublié, et cette inquié-
tude toujours latente chez les esprits les plus distingués, qui se demandent
tout bas s'ils ont vraiment fait œuvre durable, Soulary, après avoir
douté de trop de choses, se prit à douter de lui-même, ce qui est pour
le talent ou le génie la pire souffrance.
   Je ne prétends pas reprocher à la critique son droit de contrôle; mais
 combien sa tâche est plus haute lorsqu'elle admire les qualités d'un
 écrivain que lorsqu'elle y veut découvrir des faiblesses !


   L'orateur a terminé en rappelant que Soulary est mort
au moment où l'Académie française lui accordait un de ses
plus beaux prix (le prix Vitet), et il a ajouté ces belles
paroles qui ont été vivement applaudies par l'auditoire de
choix qui était là :

   Parmi tant de fils illustres que vous avez donnés à la France, Soulary
est bien à vous; ce Lyonnais n'a aimé que Lyon, n'a goûté qu'à Lyon
ses joies les plus douces, ses amours et ses amitiés les plus vives, ses
succès les plus complets. Il laisse après lui l'image charmante d'une
inspiration toujours sincère, d'une probité littéraire sans tâche, d'un
talent aussi original que délicat, hardi sans vulgarité, mordant sans
cruauté, toujours épris de la perfection et qu'il a trouvée presque
toujours.
   L'artiste a respecté en lui toutes les conditions de l'art. Quant à
l'homme, en qui s'agitaient toutes les émotions inséparables de la
nature humaine, il n'a rejeté aucun idéal, il n'a repoussé aucune
espérance :