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                          DE JOSÉPHIN SOULARY                            331

qu'on a partout reproduites ou citées a fait tort au poète, comme il
arrive souvent, par une publicité répétée, mais exclusive. C'est le péril
des anthologies, mortelles à tout ce qu'elles ne propagent point.
   Par bonheur, Soularv s'est fait lire, et alors, quel étonnement ! Que
n'a-t-il pas fait entrer dans l'étroite prison, depuis ses chers paysages
du Bugey, jusqu'aux rêves philosophiques des Ephémères et des Papil-
lons noirs; depuis les grâces spirituelles de ses Mignardises et de ses
 Pastels jusqu'aux étranges impressions qui se dégagent de Y Hydre aux
sept têtes ou de la plupart des sonnets de sa Chasse aux mouches d'or! Ses
visions et ses souvenirs, ses amours et ses colères, ses ironies et ses
doutes, tous les combats de sa pensée troublée, toutes les tendresses
de son âme compatissante, les plus navrantes mélancolies et les plus
folles boutades, il a tout versé dans ces flacons d'un si transparent
cristal, si artistement taillés, remplis par lui des plus subtifs parfums,
des plus pénétrantes essences.
   Sainte-Beuve comparaît déjà les Figulincs aux merveilles que le musée
Campana exposait dans les vitrines du Louvre; nous songeons, nous,
aux délicates statuettes de Tanagra, aux coupes ciselées des orfèvres de
la Renaissance, aux fines peintures des émaux cloisonnés, aux intailles
et aux camées de l'art antique; ou bien encore, pour les plus légères et
les plus ailées de ces petites pièces, à des oisillons d'espèce la plus rare,
gazouillant dans la cage d'or du sonnet!...


  Nous voudrions tout citer de ce bel éloge fait par un
maître en l'art du rythme. Arrivons aux dernières années
de Soulary, pleines d'heures amères :

   Il avait fini par occuper à Lyon une situation très honorable, et sur-
tout conforme à ses goûts. Mais le poète, toujours jeuue s'attristait de
vieillir; il souffrait d'avoir « la neige au front et le printemps dans
l'âme! » Pourquoi eut-il un instant, lui aussi, son « rêve ambitieux? »
On l'y poussait imprudemment. Ce farouche, cet isolé, cet indépendant
songea donc à l'Académie française. Il eut la vision de cette coupole
qui en a fasciné d'autres. Il fit à Lyon une courte infidélité et vint à
Paris.
  Il vous revint mécontent, découragé, blessé dans sa fierté et dans ses
chimériques espérances. Il n'était pas assez Parisien pour savoir ce que
   K°4. — Octobre 189Ã.                                             23