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                 CAUSERIE D'UN BIBLIOPHILE                 183

à demi hébété, tous ces corps endormis autour de moi,
roulés dans leurs couvertures. La scène est lugubre, je
crois être le jouet d'une hallucination, et j'avoue que
pendant un moment je ne sais plus où je suis ni ce dont il
s'agit... »
    Aux angoisses de l'investissement, il faut ajouter toutes
les déceptions causées par les fausses nouvelles, colportées
par des gens intéressés à leurrer notre malheureux pays.
Au commencement c'est Bazaine qui a écharpé plusieurs
régiments prussiens autour de Metz; puis c'est Chanzy,
vainqueur sur toute la ligne, qui opère sa jonction avec
Paris; c'est Faidherbe vainqueur dans le nord. Enfin,
c'est un message de Gambetta au gouverneur, annonçant
que 140.000 hommes, commandés par Bourbaki, sont en
marche pour délivrer Belfort.
    11 est vrai qu'une armée, formée à Lyon, était partie
pour débloquer Belfort, mais elle était loin d'être aussi
considérable que l'annonçait le gouvernement de la Défense
nationale. On sait que, grâce à l'incurie de Garibaldi,-chargé
de barrer le passage à Dijon à l'armée prussienne, les Alle-
mands firent défiler sous ses yeux des masses compactes qui
allèrent écraser, aux portes de Belfort, l'armée réduite de
Bourbaki. Les assiégés sont pleins d'espérance; ensuite
c'est un morne désespoir. Le 15 janvier, Pascal Victorin
écrit sur son carnet : « Hourrah ! Nous avons enfin
 entendu le canon français... Ce matin, à la pointe du jour,
 il a retenti à nos oreilles. D'abord éloigné, il se rapprochait
d'heure en heure et grondait terrible et imposant, mêlé au
 roulement continu de la fusillade et par instant couvert par
 elle. Une grande bataille s'est engagée, s'étendant sur un
 immense quart de cercle du sud à l'ouest. Le point le plus
 animé paraît être Héricourt. Dès la première heure tout