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184               CAUSERIE D'UN BIBLIOPHILE

 Belfort a tressailli. Les habitants se risquent hors de leurs
 caves et la garnison abandonne ses casemates, chacun prête
l'oreille. La ville et les faubourgs retrouvent subitement
l'animation des anciens jours, comme si tout danger avait
 disparu. Tout le monde est électrisé, une indicible émotion
 remplit les cœurs et les larmes viennent aux yeux. On
s'aborde en disant : Les voilà ! » Et deux jours après, le
 17 janvier, le Journal continue ainsi : « Hélas! Ce jour est
témoin de notre abandon. Nos amis sont loin, bien loin!
De temps en temps le vent du sud nous ramène une succes-
 sion de roulements sourds et affaiblis, pareils à ceux d'un
orage qui s'éloigne. Vers midi, plus rien!... Nous sommes
consternés et le découragement s'empare de nous, aussi
poignant que la joie et l'espérance avaient été vives ! »
    Le siège continua encore un mois. Le 13 février arrive la
nouvelle de l'armistice, et l'ordre de cesser le feu de part
et d'autre. L'investissement avait duré trois mois, dont
deux et demi de bombardement. La ville est dans un état
pitoyable : les maisons sont effondrées, éventrées, les rues
remplies de débris et de décombres. Cinq jours auparavant
les Perches ayant été abandonnées, l'ennemi y avait ins-
tallé une formidable batterie. Les ravages causés à cette
faible distance par des pièces de gros calibre furent épou-
vantables. Si l'ordre d'arrêter le bombardement était arrivé
quelques jours plus tard, la ville était anéantie. Les vivres
ne manquèrent jamais. La place avait été abondamment
approvisionnée de farine, de bétail vivant, de lard, de
légumes secs, de sucre, de vin, de café et d'eau-de-vie. Seul,
le sel devint rare sur la fin du siège. La garnison de Belfort se
composait de dix-sept mille hommes au commencement des
hostilités, elle était réduite à douze mille au moment de
l'armistice; soit une perte d'environ trente pour cent. Les