Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
l82              CAUSERIE D'UN BIBLIOPHILE

 voix du canon se fait entendre, ébranlant toutes les maisons
 de la ville... Ace signal retentissant des hostilités à l'inté-
 rieur, un saisissement vous secoue de la tête aux pieds ; on
 retient son souffle, et le sang est comme figé dans les
 veines. Tout un monde de sensations s'éveillent, tumul-
 tueuses, au fond de l'âme, et se traduisent en un sentiment
 complexe, où se confondent les amertumes du passé, les
 incertitudes du présent et les sombres pressentiments de
 l'avenir qui s'ouvre devant nous ! »
    Le 20 novembre, c'est une sortie inutile, imprudemment
 dirigée, qui coûte la vie à deux cents hommes. Le 3 dé-
 cembre, le bombardement commence ; on lit dans le Journal
à cette date : « Après quatre semaines entières de préparatifs
chez l'ennemi, de combats et d'escarmouches, ce matin nous
 avons reçu le premier baptême d'obus... Dans la cour de
 notre quartier il en pleut à chaque instant. Trois hommes
du 45 e ont été blessés près de nous. Quelques bombes nous
arrivent. Ces joujoux sont fort curieux à suivre dans leurs
ébats : ils rebondissent plusieurs fois sur le sol avant
d'éclater et nous rappellent les jeux de ballon du collège. »
Comme on le voit, il est difficile de mieux prendre les
choses. Le bombardement continue, nuit et jour le bruit
du canon se fait entendre, c'est une obsession.
    A quelques jours de là, le pauvre moblot écrit : « Il y a
des moments où positivement je crois rêver ! Que de fois,
de grand matin, avant que le jour ait paru, après une nuit
de cauchemars, et réveillé en sursaut par une violente
détonation qui retentit dans les combles et fait trembler les
murailles, je me dresse sur la planche qui me sert de lit,
tout roidi et les membres paralysés par le froid. Je me frotte
les yeux, et, à la lumière douteuse d'une sorte de lumignon
improvisé par quelque industrieux camarade, je contemple,