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376 IBIS seconde. Effectivement, le diamant n'est précieux que parce qu'il est rare, mais du moment où il sera assez abondantpour en paver lesrues, on marchera dessus. Ce n'était donc pas sans un certain dépit, dont je n'avais, il est vrai, pas conscience, que je voyais ma pierre pré- cieuse devenir pierre de taille. Nous arrivâmes très tard à Tyzi-ou-Zou ; accablé de fatigue, je ne me rappelle vraiment pas si je me couchai dans un lit ; mais je me souviens bien que pendant un sommeil agité, je ne rêvais qu'iWs. Il me semblait voir le vieil Arabe que j'avais vu enterrer, sortir de son tom- beau couvert de son linceul, me réclamer l'iris que j'avais cueilli sur sa tombe, et plus tard jeté avec tant de mépris. Il me semblait ensuite que je roulais sur une pente couverte d'iris ftliformis, et c'est presqu'en sursaut que je me réveillai au soleil levant qui dorait de ses premiers rayons le groupe précieux de mes iris que j'avais mis près de moi. Le lendemain, j'arrivai à Alger et quatre jours plus tard, je présentais d'un air triomphant à mon ami Hénon mon Iris ftliformis. Il me semble, Dieu me pardonne, me rappeler que dans son enthousiasme il m'embrassa ! Aussi heureux que lui j'ai suivi pendant plusieurs années la floraison de ce cher iris, mais, peu à peu, la plante s'amoindrissait ; elle languissait loin de son soleil natal, et sans vouloir imputer sa mort à l'établissement de la République, ce fut à cette époque qu'elle disparut du sol pour ne plus y montrer ses jolies fleurs bleues. Mon ami Hénon, à ce moment-là , était trop occupé à se débattre dans les plis de son fier drapeau rouge pour qu'il ait pu donner une seule larme à cette perte qui, à une autre époque, eût été pour lui uneVraie douleur. PAUL EYMARD.