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216                  MON AMI GABRIEL

    11 n'alla plus voir Nelly ; puisque son dévoûment avait
été si mal interprété, il crut de son devoir de s'abstenir
d'une seconde visite. Cette détermination lui avait coûté
beaucoup, et la pensée que la pauvre femme mourrait en
se croyant délaissée de son unique ami venait accroître
l'agitation que lui causaient les injustes soupçons de
Louise. P a r moments, au milieu de ses plus violentes
angoisses, il ressentait contre celle-ci un sentiment
involontaire d'hostilité.
   S'il avait pu imaginer ce qu'elle-même souffrait ! . . .
Se croyant dépouillée de l'affection de son mari, Louise
était en proie à un vertige semblable à celui qu'éprouve un
homme lancé dans l'espace ; elle sentait vaguement ,
dans son cruel abandon, le besoin de s'attacher à quel-
que chose. De lointains souvenirs couleur de rose se
mêlaient à ses songes; elle-même n'osait s'avouer ni se
définir le sentiment qui l'envahissait. Dans cette nuit
où elle avait failli perdre son enfant, quelqu'un avait
souffert avec elle : c'était Francis. La reconnaissance de
la jeune femme envers son cousin avait accru la tendresse
qu'elle avait pour lui au fond du cœur. Mais, depuis le
moment où elle s'était jetée dans ses bras comme s'il eût
été un sauveur, elle avait évité instinctivement de se
trouver seule avec lui.
    De son côté, le sous-lieutenant n'était plus le même ;
il avait perdu sa bonne humeur et son rire expansif.
 Son départ semblait le préoccuper.
    — Quand reviendras-tu ? lui demandait Louise.
    — Qui sait ? dans deux ou trois a n s . .
    — Tu reviendras général, pour le moins ? reprenait-
 elle en plaisantant.
    Le jeune homme ne répondait quepar un triste sourire.
    Cependant leurs tête-à-tête se renouvelaient chaque