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UN LYONNAIS A L'iLE DE LÉREÎNS 435 demandâmes alors quelques détails sur cette exhuma- tion. Il nous raconta : qu'il était venu trois messieurs de Paris (pour les marins de ces parages, tout homme un peu propre vient de Paris) qui avaient un plan de l'île et beaucoup de papiers, et qu'après avoir mesuré en tous sens ils s'étaient arrêtés à l'endroit même où nous étions; qu'ils lui ordonnèrent de creuser et qu'à un mètre envi- ron de profondeur, il avait trouvé les os du saint; que ces messieurs de Paris les lui avaient fait mettre dans un coffre de bois magnifique avec des clous tout dorés et „ qu'ils avaient emporté ces reliques sur le continent. Nous trouvâmes bien un peu singulier que le clergé n'eût été mêlé en rien dans une exhumation qui touchait de si près les grandes gloires de l'Eglise ; mais il se passe dans le monde tant de faits singuliers et qui sont sou- vent bien loin d'être selon les règles reçues, qu'il faut bien les accepter tels qu'ils sont. Rien du reste de brutal comme un fait, et nous avions parlé à l'homme qui avait vu et touché les os du grand saint, et sa narration avait été si naturelle que nous ne pouvions la mettre en doute. Pleins] d'une religieuse émotion, nous rentrâmes au couvent et la première personne qui se présenta à nous fut l'économe du monastère, jeune moine intelligent ayant vécu de la vie du monde et en ayant conservé toutes les bonnes manières. Ah ! mon frère, lui dîmes-nous en l'abordant, encore tout pénétrés de la sainte visite que nous venions de faire au tombeau de saint Féréol : nous serions bien heureux d'avoir quelques détails sur la translation de ces saintes reliques que vous devez connaître ; et nous lui racontâmes l'histoire de notre marin. Lorsque nous eûmes fini, il accueillit notre narra- tion par un éclat de rire tellement homérique qu'il ne pouvait reprendre son sérieux pour nous répondre. Ah !