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                        A. M. GHENAVARD.                      391

lorsque Corinne triomphe de l'auteur des Pythiques ? est-
elle embarrasse'e de sa victoire sur son illustre élève? Voila
une délicatesse excessive, et franchement peu grecque.
Quant à Pindare, son visage est tout entier dans l'ombre;
la lumière ne frappe que son dos ; et sa pose seule laisse
deviner le grand lyrique.
   SAPHO n'est vue aussi qu'en demi-teinte ; mais l'astre des
nuits fait resplendir sa chevelure entrelacée de roses, et l'al-
bâtre de ses épaules. Elle rêve d'amours; ses regards et sa
voix se perdent mélancoliquement dans le demi-jour que
ménagent pour elle et la riche tenture qui l'abrite, et la
déesse qui veille silencieuse sur sa prêtresse. Leucade
n'est pas loin.
   Quelle est cette LESBIENNE endormie de l'éternel som-
meil, et si belle encore sous l'aile de la mort? Seraient-ce
les restes de Sapho, que la poétique imagination de l'artiste
aurait fait ramener par les filles d'Apollon, de la mer Io-
nienne jusqu'à sa patrie, sans qu'il ose pourtant nous le
dire? Aussi bien, n'est-ce pas à Lesbos qu'abordèrent la
tête et la lyre d'Orphée, roulées par les flots de l'Hèbre et
par les vagues de la mer? Les Muses devaient bien la même
fortune à leur favorite chérie ; et à quelle autre feraient-
elles l'honneur de leurs gémissements? Les voilà, ces filles
de Mnémosyne, qui s'envolent en jetant un dernier regard
sur la rivale d'Alcée, d'Arion, de Terpandre ; elles abandon-
nent l'île qui fut si longtemps leur séjour bien-aimé; et la
lyre de leur dernière élève, pendante au mur en deuil,

          « Semble se conformer à leur triste pensée.

   La plus saillante de ces jolies créations, celle où brille de
la façon la plus remarquable cet art du vrai peintre,

           « Qui donne aux passions un esprit, un visage, »