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                    Légendes du Forez




       L E P A S DE LA MULE:


   Les environs de Montbrison offrent de charmantes prome-
nades : d'un côté c'est la plaine avec ses rivières ombragées, ses
grandes routes bordées de peupliers, ses prairies où court un
sentier tracé dans l'herbe par les sabots des bergères, et ses
vastes étangs couverts de joncs où le chasseur se cache à l'affût
des sarcelles et des canards sauvages.
   De l'autre côté c'est la montagne avec ses pins, ses torrents,
et ses vieilles ruines se dressant à chaque pas au sommet des
rochers.
   J'aimais à aller me promener seul, mon album sous le bras,
à la recherche de quelque site ou de quelque village perdu dans
les ravins. J'aimais à suivre le cours du Vizezydont le lit, obstrué
par des roches moussues que les ondes paisibles ne surmontent
presque jamais, tantôt se resserre et forme une cascade, tantôt
s'élargit en nappe sous l'ombre des saules. J'aimais à gravir les
montagnes qui encaissent la rivière, montagnes aux rochers gri-
sâtres montrant çà et là leurs têtes arides, comme des tombes
dans les hautes herbes. A de rares intervalles, on aperçoit,
entouré de pierres grossièrement amoncelées, un petit champ
semé d'une chétive avoine ou planté de quelques ceps tordus,
au-dessus desquels un pêcher élève au printemps ses branches
chargées de fleurs, neige odorante du printemps, comme dit un
poëte. J'aimais à m'égarer dans les bois, à m'asseoir sur la
mousse au pied d'un pin et à rêver. A quoi ? Au passé, à l'ave-
nir      à rien!
  Et en effet « qu'il fallait peu de choses à ma rêverie? Une