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NOTICE SUR E.-L.-M. PATRIN. 387 l'hiver est encore la saison la moins pénible, car l'été l'on est embourbé dans d'infects marais, arrêté à chaque instant par des rivières débordées, dévoré sans cesse par des légions d'insectes, étouffé par une poussière acre, salée, noire, produite par la tourbe qui compose la géné- ralité du sol, poussière corrossive qui s'attache aux yeux, les enflamme, rend aveugle. Le matin, des myriades de moucherons entrent par toutes les ouvertures naturelles. Au milieu du jour, des taons altérés de sang y sucent les chevaux. Le soir jusqu'au coucher du soleil, des nuées de cousins piquent, bourdonnent, et semblent exercer à l'envi la patience des hommes. « La Daourie, partie de l'extrême Orient, est un pays tout alpestre, couvert de montagnes, de laves décomposées dont les cavités sont ordinairement remplies de calcédoines. Les vallons qui les ont formées sont d'une si haute anti- quité qu'on n'y découvre pas vestiges de cratère. « J'ai parcouru, au milieu de ces ennemis, 115 degrés de longitude. J'y ai semé ma fortune, ruiné ma santé, perdu mes plus belles années. Puissent mes travaux ajouter à la masse de nos connaissances et concourir à l'utilité de ma patrie, qu'il suffit d'avoir quittée pour apprendre à l'apprécier et à la chérir. » Patrin, en effet, parti de Cronstadt et débarqué au Havre dans l'automne de 1787, était revenu en France pour s'y reposer et essayer de remettre sa constitution délabrée. En passant à Saint-Pétersbourg, où il avait été précédé par ses minéraux, il s'aperçut que Pallas (qui lui écrivait : mon très-cher ami) lui avait enlevé la moitié de ses meilleurs échantillons ; et il se sépara, plein de colère, de ce grand géologue, auquel il ne put jamais pardonner un pareil abus de confiance. * P. BERTHIBK. {A continuer.)