Revue du Lyonnais » série 3 - n°17 ( 1874 ) » pp.385

                     NOTICE SUR E.-k.-'M. PATRIN.                     385

  mettrait certaines tentatives. L'adultère est presque in-
  connu, on l'y punit en confinant le coupable au fond des
  forêts, où on l'abandonne à la faim, à la soif, à la douleur,
  ne lui laissant qu'un arc et des flèches. Ce qui ne lui per-
  met pas même de pourvoir à sa subsistance, parce qu'il
  ne sait aller qu'à cheval.
    « Malgré cette sévérité, rien de plus bienveillant. Ils
 m'ont accueilli comme un ami, et j'éprouvais du plaisir à
 respirer avec eux l'air de la pleine liberté. Leurs demeures
 sont vastes, aérées, garnies des toisons de leurs brebis,
 soutenues par des treillages artistement travaillés. L'em-
 pressement qu'ils mettent à recevoir les étrangers vient
 en partie de leur ignorance. Celle de l'un d'eux me procura
 un jour un dialogue singulier. Je voyageais près de
 l'Amour. Arrivé à une station de poste, tandis qu'on me
 préparait des relais, j'entrai sous une tente pour prendre
 du thé. Un vieillard et une jeune femme faisaient rôtir des
viandes embrochées au-dessus d'un brasier. Je désirai en
goûter : —Cela n'est pas bon pour toi, me répondit la jeune
femme, c'est de la chair de cheval. — N'importe, répliquai-
je, je veux en goûter. — Quoi, s'écria le vieillard ! tu n'es
donc pas Eusse? — Non, je suis Français.
    «—Français? ta patrie est donc bien loin, que je n'en ai
jamais entendu parler ? — A plus de 2,500 verstes au delà
de Pétersbourg (1). — Elle doit être bien pauvre, puisque
tu entreprends une si longue course pour chercher fortune ?
— Non, mon brave, mon pays est excellent et des plus
fertiles. La curiosité seule m'amène ici, pour voir ta natiofe,
visiter tes pierres, étudier tes plantes. — Oh ! oh ! exclama
le vieillard, les Russes disent que nous sommes curieux ;

  (1) Verste du mot versta, degré, équivaut a 1 kilomètre 67 hectomètres,
un peu plus d'un kilomètre et demi.