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318                      BIBLIOGRAPHIE.

en scène indispensable, des hôtels princiers, des salons éblouis-
sants, des laquais en livrée, des huit-ressorts, et surtout des
millions en quantité.-—« Pas de millions à l'étalage, disait der-
nièrement un de ces messieurs, pas d'œuvre sérieuse, pas de
succès. » Tout cela est fort beau, mais qu'arrive-t-il ? Le peuple
qui lui aussi veut lire les romans à sensation, s'égare tout à coup
au milieu de ces peintures imprudentes ; il considère d'un œil
d'envie ces richesses fabuleuses que son modeste travail est im-
puissant à lui procurer, de telle sorte que cette littérature aris-
tocratique n'exerce pas moins de ravages que la littérature soi-
disant populaire dont nous parlions plus haut.
   Si nous abordons maintenant la fameuse question du succès,
nous croyons pouvoir affirmer qu'il n'est pas le monopole exclu-
sif de ces romans où les baronnes du demi-monde coudoient
les princes de la finance. Il semble au contraire que nos auteurs
n'aient jamais été aussi bien inspirés que lorsqu'ils ont laissé
de côté leurs genres habituels pour traiter des sujets sans pré-
tention pris dans le peuple même. Ainsi du jour où Bernardin
de Saint-Pierre a voulu « se délasser de ses Etudes de la
nature » il a fait l'inimitable chef-d'œuvre de Paul et Virginie ;
du jour où Lamartine est descendu du « char d'Ezechiel » nous
avons eu Grasielia et Geneviève; du jour enfin où Mme Georges
Sand a pu se résoudre à ne pas saupoudrer ses romans de
théories socialistes, elle a publié ce que nous n'hésitons pas à
appeler ses trois plus beaux livres : La Mare au diable, Fran-
çois Le Champi, La petite Fadette. Ces trois écrivains, que
nous prenons au hasard dans notre groupe de romanciers, suf-
fisent à montrer tout le parti qu'on peut tirer d'un sujet popu-
laire bien compris. Car enfin si la demeure du riche a ses dra-
mes, le champ du laboureur et la mansarde de l'ouvrier ont
aussi leurs idylles et leurs tragédies.
   Mais, sans aller chercher des exemples si loin, hâtons-nous
d'arriver, car il en est temps, au motif qui nous a fait prendre
la plume. Un argument qui se présente de lui-même à l'appui
de notre assertion, c'est le succès qu'a rencontré dans cette voie
une de nos plus aimables notoriétés littéraires. On se souvient