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                        POÉSIE.

                     LA TENTE.


                   HIVER DE 187O-7I.

                               A M. Vietor Colomb.

Sous son limpide éclat la lune au ciel frissonne ;
L'hiver est désastreux; la guerre nous étreint...
Le sol est recouvert de neige et minuit sonne...
Demain, l'on reprendra sa force et son entrain,
Mais, à cette heure, on dort, harassé sous la tente ;
Il dort, le noble enfant, en rêvant au pays,
A la France opprimée, au combat qui le tente,
A la sainte vengeance, à nos champs envahis !

Or, pendant qu'il sommeille, un beau guerrier se glisse.
Bien doucement, auprès de ce méchant grabas, —
Un guerrier d'autrefois, — il baise son front lisse,
Le contemple longtemps et murmure tout bas :
— Mon digne protégé, cher et vaillant jeune homme,
Sois béni, car je t'aime, et je suis fier de toi,
Intrépide Français, comme moi l'on te nomme,
Et tu rends un vrai culte à l'honneur, à la foi !

Ah! ne t'ai-je pas vu, l'oeil brillant,l'épée-haute,
Commander hardiment un énergique feu,
O brave de vingt ans, toi dont la seule faute
Est d'être encor paré du pur rayon de Dieu?
Va, je te reconnais à ton charmant courage,
Car je mis mon ardeur, enfant, dans ton berceau ;
Saint-Victor combattit, fut urt preux d'un autre âge,
C'est lui qui te marqua, mon fils, d'un divin sceau !
A ta mère, un beau jour, j'ai promis de te rendre ;
Oh ! je veille sur toi comme sur un trésor !
Quoique bouillant soldat, je sus toujours comprendre
Ces élans maternels, doux et touchant essor ! —
Tu donnerais ton sang de grand cœur à la France !
Mais chut!.... ce nom pourrait te réveiller déjà!...
Adieu donc, mille fois!... tu dois revoir Valence!
Deux minutes après, le saint n'était plus là.


A l'aube, le jeune homme est debout, fier et grave;
Sa prunelle rayonne, il pense à son devoir ;
De ce devoir sacré l'enfant était esclave,
Comme de ses parents il est le cher espoir, —
Et le clairon sonnait au loin, dans l'air de glace ;
Il tressaillit... Victor adorait cette voix.
Ce mâle écho disant : — Allons, soldats, en place !
En place ! et montrez-vous de vaillants Dauphinois !
                                  Adèle SoucHiER.