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  04                      LE PAS CE LA MULE.
    feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont
    la fumée s'élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse
    qui tremblait au souffle du nord sur le tronc d'un chêne, une
    roche écartée, un étang désert où le jonc, flétri murmurait!
    Souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient
   au-dessus de ma tête... J'aurais voulu être sur leurs ailes. »
    (René.) (
       Lorsque après avoir longtemps marché avec un courage infati-
   gable, j'apercevais au-dessus des arbres le clocher d'un vil'age,
   avec les vieux murs de son cimetière, avec son antique croix de
   pierre verdie par la mousse, renversée et mutilée à des époques
   de deuil et d'athéisme, puis relevée pieusement par la main des
   laboureurs, j'étais heureux alors et je m'arrêtais pour reprendre
   haleine. Je pénétrais ensuite dans le village.
       Sur le seuil des chaumières, je voyais quelque vieille grand'mcre
   filant sa quenouille et balançant du pied le berceau du dernier-
   né de la maison, ou quelques enfants jouant au soleil avec un
   chien ou une chèvre, et me suivant longtemps de leurs regards
  ébahis.
       Je commençais par dessicer l'église, puis j'y entrais et je cher-
  chais si, sur les dalles, aux clefs de voûtes, je n'apercevrais pas
  le blason du fondateur ou quelque tombe ignorée. Si mes recher-
  ches étaient infructueuses, je portais plus loin mes pas errants;
  si j'étais au contraire parvenu à dénicher quelques restes des
  temps anciens, un blason, une inscription, n'importe quoi,
 effacé par le temps, brisé par le marteau révolutionnaire ou mas-
 qué sous une couche barbare de badigeon moderne, oh ! alors je
 pouvais dire ce que disait un empereur romain dont vous savez
 le nom : J'ai gagné ma journée.
      J'ai dit, je crois, que j'aimais à me promener seul dans les
 bois. Quiconque aime la solitude, a dit un ancien, est un dieu
ou une bête sauvage. J'ajoute qu'il est presque toujours le der-
nier ; car les dieux sont rares. C'est Bacon qui ajoute cela.
     Or, pour me soustraire à la sévérité de ce jugement, j'allais ce
jour-là me promener avec un ami, dessinateur et antiquaire
comme moi, et qui a nom Arthur. Je vous prie de croire que si