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CHRONIQUE LOCALE. Depuis que Lyon se trouve être sur la grand'route de Londres à Calcutta, tout le monde y passe : ambassadeurs japonais , vice- roi d'Egypte, roi de Bavière, chefs Touaregs, prêtres nègres, souverains et sujets, hommes illustres ou obscurs, les uns allant à l'Exposition de Londres, les autres à Paris ou à Berlin, d'autres à Munich ou à Rome. Du Congo à la ville des papes, Lyon n'est pas le plus court chemin, mais toutes les routes y conduisent, dit-on. Les uns traversent notre ville au bruit du canon, d'autres ont les honneurs des visites officielles, d'autres arrivent et par- tent inaperçus. Les prêtres nègres ont été de ces derniers ,• la foule ne s'est pas jetée sur leur passage, et cependant leur présence avait la plus haute signification ; c'était une protestation contre l'infériorité attribuée à leur race ; leur œil intelligent, la dignité de leurs manières prouvaient qu'ils n'étaient au-dessous de personne, et si, par hasard, ou par un de ces coups de la Providence qu'on ne peut prévoir, ils s'élevaient d'échelon en échelon jusqu'au trône de saint Pierre, qui peut dire l'importance d'un pareil fait sur l'avenir du inonde ? Pour recevoir ces hôtes ou en attirer de nouveau, il faut être élégant, donc Lyon continue son œuvre de destruction et de re- construction, et chacun répète le chant nouveau adopté par une de nos Sociétés chorales : Nous sommes des maçons, Bâtissons, Construisons ; Nous sommes, Nous sommes, Nous sommes des maçons, Construisons Des maisons. Nous summes des maçons. Ce morceau n'est peut-être pas très-poétique, mais il est revêtu d'une éclatante couleur locale ; seulement, et c'est là que nous en voulions venir, si Lyon s'embellit ce n'est pas au moral. Jamais litanie de crimes, de suicides ou d'assassinats ne fut plus com- plète que celle qu'il offre aujourd'hui. A lire nos journaux, on se croirait au temps des tire-laine, des coupeurs de bourse et des malandrins ; on tue ici de là , les uns, les autres ; tout est bon, sergent de ville ou gendarme ; on se pend, on se noie, on s'as- phyxie, sans compter les accidents dont on entretient avec soin le lecteur comme si on n'avait rien de mieux à lui donner pour élever son intelligence. Soyons juste, cependant ; si en bas on se tue un peu, en haut, les esprits travaillent, les plumes courent et les livres naissent. La traduction des Annales de Tacite, par M. Félix Olivier, nous