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474 DEUX POÈTES PROVENÇAUX.
que le noir vaisseau d'Homère. Un poète lyonnais nous
décrivait, il y a quelques jours, une de ces mêlées antiques
où se choquaient les phalanges grecques et les masses asia-
tiques. Il peignait chacun de ces objets, qu'après les artis-
tes et les poètes de l'antiquité, nous ne pouvons concevoir
autrement que parfaitement beaux : il disait le guerrier :
Qui, blessé se relève,
Brandissant à genoux une moitié de glaive,
Pâle, la bouche ouverte et les regards éteints ;
Son casque renversé pend derrière ses reins.
L'autre parle, orgueilleux du vain défi qu'il lance ;
Mais une flèche part et, mère du silence,
La flèche vient clouer sa langue à son palais ;
Il chancelle, accablé sous la grêle des traits.
Sous les plis cadencés de la tunique grecque, le poète
s'était plu à cacher le corps vivant d'une idée moderne.
Mais il n'a pas reculé d'autres fois devant l'expression maté-
rielle des objets les plus voisins de nous et les plus en op-
position, en apparence, avec les formes antiques. A notre
avis, le poète ne descend pas lorsqu'il nous représente la
locomotive :
Toujours, toujours, grondante,
En son formidable repos.
Des âpres grincements de son haleine ardente
Elle épouvante les échos.
L'eau, comme une sueur, découle sur la fonte.
L'air brûle à vingt pas tout autour,
De son fût ondoyant, qui s'épaissit et monte,
La fumée obscurcit le jour.
Courage ! sans relâche apportez de la houille
Pour alimenter le brasier.
Versez l'huile aux essieux, effacez toute rouille,
Polissez le cuivre et l'acier !
Que la locomotive, à partir toute prête
Reluise en sa robe d'airain.
Le même écrivain a montré, dans son poème de Jacquard,
qu'il n'est pas jusqu'à l'humble métier de l'ouvrier en soie