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 46(5         *    DEUX POÈTES PROVENÇAUX.
  railles, comme les lavandes et les sauges sur les collines
 rocailleuses des Alpines. Comme dans les grappes portées
  par la,vigne du poète, un moût rose et chaud bouillonne
 dans chaque vers.
    Rien ne ressemble moins à la poésie de convention que
 la poésie des Provençaux modernes en général. Ni Lamar-
tine, ni Victor Hugo, ni Alfred de Musset, cette trinité de
grands hommes, ces trois chefs d'école, n'ont déteint sur
eux. Le « vague des passions, » inventé par Chateaubriand,
et qui, comme une liqueur enivrante et funeste, s'est infiltré
dans les veines de tous les poètereaux, est absolument
ignoré des nôtres. Ils ne procèdent non plus ni des Anglais
ni des Allemands, ni de Gœthe ni de Shakespeare. Ainsi de
M. Mathieu : il dit ce qu'il sent, tout ce qu'il sent et rien
que ce qu'il sent. C'est la bonne manière. Il ne chante ni l'E-
cosse, ni l'Italie, ni la foi, ni le doute, ni les dégoûts vagues,
ni les « élans sans, cause, » ni les « tristesses innommées. »
Il chante ce qu'il voit et ce qu'il aime, son village de Châ-
teau-Neuf, les filles de Château-Neuf, les vignes de Château-
Neuf, le soleil de Château-Neuf. Le poète est de bonne race,
de cette race latine naturellement artiste, écrivain à ses
heures, paresseux avec délices, insouciant de tout, pourvu
que le soleil luise clair; cherchant et aimant tout ce qui est
beau, beau ciel, beaux fleuves, belles filles ; vrai fils de la
bonne terre, et heureux par-dessus tout quand il vous offre
comme il nous le disait lui-même :
                  « Bon vin, bon pan, bon cor. »
   Car, après avoir lu les Farandoles, nous avions voulu
voir le pays où étaient nées ces filles folles et alertes. Nous
avions, une autre année déjà, fait ce que nous appelions
« le pèlerinage de Mireille, » allant de St-Rémy à la ville et
au rocher, ruinés tous deux, des Baux ; des Baux à Arles et
au village des Saintes-Mariés assis dans ses lagunes salées,
entouré de salicornes où paissent les grands troupeaux de
taureaux noirs, au bord des vagues fouettées par le mistral.
Nous regrettions qu'en passant à côté de Maillane, une