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                   LE CHATEAU DE CARILLAN.                    447

ménagement pour Julien, soit pour écouter sa propre émo-
tion, car je ne pense pas qu'il fût possible d'être indifférent
aux circonstances si poétiques de noire voyage nocturne, à la
musique délicieuse que nous venions d'entendre d'une façon
si singulière, et dont, pour ma pari, je me souviendrai toute
ma vie. !
   Nous avions perdu de vue depuis une grande demi-heure
le château de Carillan, lorsque M. Léon Gérard se mit à
chanter, après quoi il enlama une conversalion piquante,
vive, animée, semée de facéties que M. Pivalle relevait avec
une prolixité vraiment étonnante do sa part. Je compris que
les amis de Julien entreprenaient de l'arracher à sa pénible
rêverie et je m'associai aussitôt à leur dessein. Julien, ainsi
 réveillé, sourit d'abord à nos efforts, dont l'amicale intention
ne lui échappai! sans doute pas. Il s'associa ensuite à notre
causerie pour nous plaire, puis il se laissa peu a peu empor-
ter loin de ses soucis, par l'esprit rapide et piquant de ses
deux compagnons.
    La conversation dura ainsi près d'une demi-heure et ne
fut pas même interrompue par notre arrivée à l'île dont
Julien avait parlé.
    — Nous voici à Ronchivalle...? dit M. Gérard qui condui-
 sait toujours le bateau.
    — Eh bien, aborde à notre endroit... répondit Julien.
    Bientôt nous étions tous à terre et notre ami me pilotait dans
 les sentiers d'une île parfaitement sauvage, où nous n'avan-
cions qu'en brisant les aubépines, en tordant les lianes et les
 ronces, jalouses de défendre leur domaine rarement envahi.
    — Cette île est plus déserte que celle de Robinson, dit
joyeusement Julien. Voici notre cheminée , personne ne l'a
touchée depuis un mois. Décidément, Léon, il nous faut
fonder ici une chaumière. Nous y transborderons mon cabi-
net et ton atelier.