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         RECTIFICATION A PROPOS DE SAINT ANTHELME.               159
ce fut en vain. Le Souverain Pontife, en l'entendant parier avec
tant de science et de sagesse, s'affermit de plus en plus dans la
résolution de maintenir son choix. —Il le consacra lui-même le
jour de la Nativité de la Sainte Vierge, H 63. Si saint Anthelme,
de retour dans son diocèse, montra de l'ambition ce fut celle de
sauver les âmes qui lui étaient confiées et de défendre la liberté et
l'indépendance de son saint ministère. Fleury lui même lui rend
cette justice. C'est à ce sujet qu'on a laissé le plus d'ombres sur
 saint Anthelme. D'après les récits detous les historiens du temps,
nous voyons l'illustre évêque de Belley et Humbert III comte de
 Savoie vivre en mésintelligence et se poursuivre dans d'intermi-
 nables querelles, qui finissent par attirer sur le comte les foudres
 de l'excommunication, etla désapprobation implicite de l'évêque
 par le Souverain Pontife. — Les historiens qui ont rapporté leurs
 débats n'ayant pas remonté jusqu'à leur source, n'ont pu porter
 un jugement impartial, et ont faussé leur caractère, devînt
 lequel le lecteur se scandalise, avec quelque raison.
    C'était l'époque à laquelle Frédéric Barberousse, revenu de la
 croisade et trouvant tousses Etats insurgés contre son pouvoir,
 voulut les soumettre par la force des armes. Ayant mis le siège
 devant Alexandrie, il nomma, dans une pensée plutôt politique
 que religieuse, — comme le fait très-bien remarquer M. J. Baux,
 — lesévêques de Savoie, parmi lesquels se trouvait alors l'évo-
 que de Belley, princes du saint Empire. — A ce titre était attaché
 on le sait, les droits régaliens c'est-à-dire la puissance absolue
 (Bulle d'or).
    Les évêques qui avaient déjà joui de ces droits sous les rois de
 Bourgogne et les empereurs carlovingiens,les reçurent comme une
 restitution de leur ancien pouvoir, d'une autorité qu'ils devaient
 regarder à bon droit comme légitime, la souveraineté des empe-
 reurs n'ayant été ni abolie ni abandonnée. Humbert dont les
 ancêtres avaient cherché à s'affranchir de cette suzeraineté, se
 croyait de son côté indépendant dans ses Etats, et ne voulait pas
 consentir à partager son autorité avec les évêques.
     On le voit, à ce temps de composition et de décomposition, il
 était facile de se faire illusion sur ses droits et de contester ceux
 des autres. Il ne faut donc pas s'étonner de ces conflits, mais
  plutôt admirer les hautes vertus de ces deux illustres adversaires,
  dont l'un, pour ne pas perpétuer des querelles, quitte son diocèse
  et va se préparer à la mort dans une cellule de la Grande-Char-
  treuse, et l'autre, ne se croyant pas tout-à-fait innocent, vint se
  jeter aux pieds de son évêque pour lui demander son pardon.
     Ces éclaircissements me paraissent suffire pour dissiper les
  nuages au milieu desquels sont demeurés obscurcies, jusqu'à ce
 jour, ces deux belles figures de saints. — Veuillez, Monsieur, les
  accueillir avec bienveillance ; votre véracité pas plus que votre
  amour-propre n'ont rien à en souffrir : dans la recherche loyale
  de la vérité il ne peut y avoir ni blessé ni vaincu.
                                                       L.   MARTIN.